Page 7 : la charrue
La charrue est l’instrument aratoire par excellence pour labourer les champs. La charrue que l’on voit fréquemment sur les images du Moyen-Âge a commencé à se répandre lors de la grande période de développement du Xe-XIIIe siècle. L’outil a pris des formes très variées (selon la présence d’un avant-train, la forme du soc…) mais le principe fondamental est bien de retourner la terre grâce au versoir. De ce fait, les mauvaises herbes, mais aussi le fumier sont enfouis dans le sol et enrichissent la terre. Les innovations qui se sont succédé ont porté sur l’ajout de roues, la forme et le nombre des socs parfois réversibles : une des questions fondamentales étant la puissance de traction nécessaire, et donc la force animale (bœuf, cheval de trait, chameau, mule… puis tracteur).
La charrue représente un investissement lourd pour le paysan : le coût est directement lié à l’importance du métal. Il a fallu attendre le développement de la sidérurgie pour que s’abaisse le prix des pièces et que se généralisent enfin des charrues entièrement en, fer.
Les charrues modernes, mues par des tracteurs de plus en plus puissants peuvent comporter de nombreux socs travaillant en parallèle.
La charrue est devenue l’emblème de l’agriculture moderne : elle fait partie des symboles qui accompagnent cette allégorie avec l’épi de blé.
La charrue Dombasle (du nom de son inventeur, Mathieu de Dombasle) est le modèle le plus répandu dans notre région. Mathieu de Dombasle (Nancy, 1777-1843) invente une charrue avec versoir mais sans roues, un peu similaire à l’antique araire. Elle est représentée devant son monument commémoratif.
Légère, robuste, peu coûteuse, bien conçue et nécessitant une faible force de traction, elle obtient un succès considérable. Le versoir, la suppression de l’avant-train, l’usage du régulateur (connu depuis le Moyen Âge)… sont les innovations d’un outil à la performance reconnue qui sera perfectionné sans cesse.
Il crée une ferme à Roville-devant-Bayon dont le succès économique est plus mitigé, mais son école d’agriculture est une réussite et servira de modèle aux écoles de Rennes et Grignon.
La charrue Grangé (autre inventeur lorrain) est moins connue : son inventeur, valet de ferme, a cherché vers 1830 à améliorer l’efficacité du labour. Jean-Joseph Grangé acquiert une célébrité vers 1830-1835 lorsqu’il propose un nouveau modèle de charrue qui allège le travail du valet de charrue et permet aisément le retournement en bout de champ.
« La particularité de la charrue Grangé, pourvue d’un avant-train et d’un mancheron unique est d’être équipée d’un « levier qui la surmonte pour faire sortir le soc de terre ». C’est, concrètement, « un levier de pression, dont l’extrémité est invariablement liée [à] l’avant-train, passe sous l’essieu, qui lui sert de point d’appui, et vient ensuite s’accrocher au mancheron ». Le but est de faciliter la pénétration du soc dans la terre, notamment dans les terres argileuses et humides du Saintois (sud de la Meurthe) et du nord des Vosges, difficiles à travailler. Le procédé facilite la tâche du valet de charrue en le soulageant d’un effort physique intense. Il n’est plus obligé d’exercer une forte pression avec ses bras sur le mancheron pour faire piquer le soc dans le sol, « le moyen si simple, et en même temps si puissant, qui fait la base de ce précieux instrument » permet d’effectuer cette manœuvre simplement et aisément, à tel point que l’observation du fonctionnement de la charrue Grangé donne lieu à des commentaires exagérés : « Dès lors, plus de fatigue pour le laboureur : l’homme le plus faible, ou un enfant assez intelligent pour conduire l’attelage, suffirait. ». Le projet de Grangé avec ce levier de manœuvre du soc a donc été, dans la droite ligne des améliorations apportées par Mathieu de Dombasle, de perfectionner le travail même du sol avec un meilleur retournement de la bande de terre travaillée grâce à la maîtrise parfaite de l’entrure du soc dans le sol, en même temps qu’il soulage le valet de charrue des efforts qu’il a à fournir lorsqu’il conduit la charrue. Faut-il y voir l’influence de sa courte expérience de « pauvre garçon de charrue » ? Sans doute en partie, mais la filiation avec les travaux de Mathieu de Dombasle et ceux de Guillaume montre que s’est imposé un champ de réflexion et d’expérimentation autour de l’outil de labour dans la perspective d’une amélioration du travail du sol. Grangé est donc, en quelque sorte, un héritier de Mathieu de Dombasle et perpétue une tradition de perfectionnements innovants des instruments de travail du sol. L’intérêt du « système Grangé » pour le laboureur correspond à la capacité de réaliser des « labours parfaitement réguliers » avec une relative aisance.
Flachat lui consacre plusieurs pages dans son ouvrage de 1835 Traité élémentaire de mécanique industrielle.
Source : > Charrue-Grangé. [Rapports de MM. Génin, A. Nicolas, J.-J. Grangé, Soyer-Willemet et Mengin.] Éditeur : Haener (Nancy) 1833 In-8° , 51 p. et pl. (disponible sur Gallica.fr).
> La charrue Grangé ou le parcours atypique d’un valet de charrue vers 1830 en Lorraine. Fabien Knittel in « Nous labourons» Actes du colloque Techniques de travail de la terre, hier et aujourd’hui, ici et là-bas Sous la direction de René Bourrigaud et François Sigaut – Centre d’histoire du travail Nantes – 2007- disponible en ligne (ces actes contiennent de nombreux articles sur les matériels, les techniques, les pratiques. dont : Labours en openfield de type lorrain : outils, techniques, cycles et structures dans l’arrondissement de Langres (Haute-Marne). Blandine Vue
Le témoignage d’un agriculteur de Haute-Marne : « On n’arrête pas le progrès ». Franck Chevallier
La Bertauge est une autre variante de charrue avec avant-train de deux roues en fer, fabriquée en Champagne pouilleuse. Le mot « bertauge » est synonyme de « charrue » (cité dans le Littré)
Source : musée de la Bertauge. Le blason de Suippes est ainsi décrit : « D’or au pal soudé d’argent chargé d’une bertauge (charrue) de sable, accosté de deux fuseaux soudés aussi d’argent, à la champagne aussi d’or bordée en chef aussi d’argent, chargée de trois maillets de gueules rangés en fasce. »
La moissonneuse date de l’époque gallo-romaine, car à cette époque, la villa constitue une exploitation agricole importante, contrairement aux petites exploitations du Moyen-Âge qui récolteront à la faucille et à la faux.
Quand les mêmes exploitations importantes se développent aux États-Unis, les Américains réinventent la moissonneuse.
C’est McCormick qui dépose, en 1834, un brevet et produira industriellement à partir de 1847 une moissonneuse possédant des lames de coupe oscillantes et un séparateur permettant aux gerbes d’être déposées derrière la moissonneuse afin d’être liées.
Selon les calculs de Prudhomme dans « L’agriculture du département de la Meuse » de 1893, un homme fauche à la faux 30 ares par jour, mais avec une faucheuse et 2 chevaux, il passe à 3 ha, soit 10 fois plus.
La batteuse
Une des dernières grandes évolutions dans le domaine du machinisme agricole avant la généralisation du tracteur, est l’apparition du battage mécanique (cheval, vapeur…)
Comme l’apparition du tracteur après la première guerre mondiale et sa généralisation après la deuxième, l’utilisation du battage mécanique soulève le problème du remplacement de l’homme par la machine ou de son contraire, l’utilisation du matériel agricole pour suppléer au manque de bras : dans le Barrois la désertification rurale débute dès le milieu du XIXe siècle !
Les Américains sont les premiers à produire industriellement des machines agricoles à moteur. McCormick, John Deere, IH Case…
En France, l’utilisation de moissonneuses-batteuses se généralise après la seconde guerre mondiale grâce à la politique de remembrement qui augmente la taille des parcelles cultivées.
La herse est rendue nécessaire par l’usage de la charrue : après le labour, il faut en effet casser les mottes avant de semer. La herse est faite d’un châssis en forme de grille, formée par deux séries de barres, les unes verticales, les autres horizontales, parallèles entre elles et fixées aux points de croisement.
Les dents courtes et proches les unes des autres permettent de travailler la terre. Son passage aplanit le sol, en pulvérisant les mottes, et en enlevant tout ce qui pourrait gêner la germination de la semence.
Le rouleau est aussi appelé « brise-motte », est fait d’un ou plusieurs rouleaux métalliques eux-mêmes composés de disques denticulés indépendants. Le rouleau sert à plusieurs fins, selon sa configuration : ; briser les mottes, tasser le sol après semis pour bien mettre en terre les graines…
Les rouleaux sont généralement en fonte et pèsent entre 25 et 35 kilogrammes pour un diamètre de 30 à 50 centimètres. Certains modèles ont un centre évidé pour permettre des mouvements saccadés, d’autres peuvent être lestés en les remplissant d’eau.
Depuis la mécanisation, cet appareil est tracté par des engins agricoles motorisés, alors qu’avant la mécanisation, les rouleaux étaient en bois ou en métal, traînés par des personnes ou des animaux. Les petits rouleaux de jardinage sont toujours tractés à la main.
Les rouleaux peuvent être lisses, munis de dents, dits « à squelette » ou « crossskills » selon qu’ils sont équipés de roues spéciales (cornière, dents…) Voir catalogue Champenois-Rambeaux page 58 par exemple.
La déchaumeuse sert à enfouir les chaumes principalement issu des cultures de poacées (graminées) et effectuer simultanément un travail du sol superficiel par pulvérisation pour préparer le semis. Là aussi, les variantes sont nombreuses : à disque (elles font le travail d’une charrue en moins profond), à dents, mieux connues sous le nom de cultivateur.
Le cultivateur, associé à un rouleau, fait l’ameublissement, le broyage de la paille et le nivellement en un seul passage de tracteur. Il est adapté à différents travaux de préparation du sol, comme la préparation des lits de semence ou le déchaumage. L’un des modèles les plus connus est le cultivateur canadien, dont les dents sont écartées de 25 cm et munies d’un étançon (la pièce qui fixe chaque dent au bâti) flexible.
La herse rotative travaille le sol selon un axe vertical porté, animé et tracté par la prise de force d’un tracteur agricole pour la préparation du lit de semence en brisant les mottes de façon à ce qu’elles deviennent plus fines.
Le décompacteur est un engin tracté utilisé pour le travail du sol par sous-solage.
Le sous-solage est une technique agricole permettant de redonner de la perméabilité au sol en améliorant le drainage naturel et la circulation capillaire horizontale de l’eau quand les sols ont été écrasés par le labour.
Il est destiné à décompacter, aérer les sols, avant la culture avec des dents en acier écartées de 60 à 80 centimètres et toutes reliées à un bâti en acier. Les dents s’enfoncent profondément (30 à 40 centimètres) dans la terre pour aérer le sol en le soulevant, mais sans retourner les couches.
Le décompacteur permet aux racines d’y pénétrer à nouveau et de mieux s’y développer. Le décompacteur peut être utilisé combiné à une herse rotative pour ne faire qu’un passage au lieu de deux et ainsi économiser du fuel et diminuer l’impact du tassement par le tracteur.
La machine à bêcher est utilisée en grandes cultures. Cet outil a pour but de travailler le sol dès la récolte du précédent. La machine à bêcher permet de remplacer la charrue et de retourner la totalité le sol sans créer de semelle de labour (couche compacte du sol due au passage du soc de charrue).
Le fonctionnement est basé sur le principe de la bêche manuelle. Composé de plusieurs bêches, la machine à bêcher introduit alternativement les bêches dans le sol, et dégage les mottes vers l’arrière. Une tôle ou une grille permet par effet de choc de casser les mottes pour créer de la terre fine et niveler la surface du sol. La bêcheuse doit être attelée à un tracteur équipé d’un attelage trois-points et d’une prise de force.
Une planteuse de pommes de terre est utilisée pour ensemencer un ou plusieurs (jusqu’à douze) rangs à la fois. Les plants (tubercules germés) sont stockés dans des trémies et acheminés vers les socs planteurs par l’intermédiaire d’un distributeur, manuel ou automatique, qui permet de régler régulièrement l’écartement des plants sur la rangée. Il existe de nombreux types de planteuses de pommes de terre.
Une butteuse à pommes de terre façonne des buttes parallèles dans les champs de pommes de terre. C’est une sorte de charrue attelée à l’arrière d’un tracteur par l’attelage trois-points et constituée d’un châssis portant des outils de binage, dents ou socs étroits, suivis d’éléments de buttage, des disques galbés ou de socs triangulaires. Les tubercules-mères sont ainsi mieux enracinées pour le développement des futurs tubercules. Cette opération, qui peut se réaliser selon les cas en plusieurs passages (tant que le développement du feuillage ne dépasse pas un stade de 15 cm de hauteur), permet également d’éviter le verdissement des tubercules, qui pourraient sinon être exposés à la lumière, et de limiter le développement des mauvaises herbes. Elle est également nécessaire pour permettre l’utilisation ultérieure d’une récolteuse mécanisée.
L’arracheuse permet d’arracher les betteraves, pommes de terre ou racines du sol. La première arracheuse de betteraves a été inventée par Léonce Charles Raymond Demiautte et brevetée en 1938.
Une récolteuse de pommes de terre est souvent aujourd’hui une machine combinée : arracheuses-chargeuses, assurant l’arrachage le nettoyage pour éliminer les pierres, mottes de terre, fanes et mauvaise herbes, et le chargement dans une benne en vue du transport. Elles peuvent être tractées ou automotrices et traiter un ou plusieurs rangs simultanément. L’arracheuse de pommes de terre, apparue dans la deuxième moitié du XIXe siècle, fut la première étape de la mécanisation de la culture des pommes de terre, précédée par l’apparition de charrues spécialisées, dépourvues de coutre et dont le soc-buttoir est équipé de versoirs à grille pour séparer les tubercules de la terre.
Auparavant l’arrachage et le ramassage des pommes de terre se faisaient péniblement et avec une très faible productivité à l’aide d’outils à main, fourches ou houes à deux ou trois dents.
L’épandeur à fumier sert à répartir régulièrement les effluents d’élevages solides, du compost de déchets vert et des boues d’épuration.
Il est tracté et est entraîné par la prise de puissance (ou prise de force) du tracteur. Les épandeurs sont de taille variable de 5 tonnes de charge utile à plus de 24 tonnes pour les plus gros modèles du marché. Les largeurs d’épandage vont de 2,5 mètres à plus de 15 mètres. L’épandage de fumier est réalisé pour les cultures de printemps comme le maïs ou le tournesol et pour les cultures d’automne comme le colza. Les apports de fumier se font alors à la fin de l’hiver ou au début du printemps.
L’épandeur à engrais sert à la fertilisation des sols. Dans le domaine agricole il s’agit le plus souvent d’épandeur centrifuge porté. Et il sert aussi à répartir régulièrement l’engrais.
Le semoir réalise les semis de graines. Les premiers semoirs sont apparus en Mésopotamie puis en Chine. En Europe, il fut inventé au XVIe siècle, puis promu par Jethro Tull en 1700, puis Duhamel du Monceau en 1752 avec le Traité de la culture des terres. On peut le voir dessiné dans les planches Agriculture de l’Encyclopédie de Diderot-d’Alembert.
Les graines sont placées en lignes espacées : la profondeur est réglable, Un semoir est composé d’une trémie (la réserve de graines), d’un système de transfert, et d’un système de distribution et d’organes de mise en terre constitués soit par de petits socs, soit par des disques. Il peut aussi comporter des organes de jalonnement (soit un traceur soit un GPS pour les plus récents) permettant de repérer les sillons déjà ensemencés.
Le pulvérisateur pulvérise sur les cultures des produits chimiques sous forme de poudre ou de liquide. Il est utilisé pour désherber, traiter contre les maladies, lutter contre les ravageurs des cultures (insectes, acariens, etc.), ou pour appliquer des engrais.
Le pulvérisateur peut être porté par le tracteur mais il existe aussi de petits pulvérisateurs portés sur le dos pour traiter la vigne, les fruitiers (avec une pompe à bras).