Paru dans le Monde : Philippe Claudel : “Monument Eau Morts”

ecran 2012-08-10 à 09.24.47 Dans les séries de l’été, le journal le Monde a demandé à Philippe Claudel un texte mettant en scène l’avenir de notre terre ; le document – Monuments Eau Morts – met dans un  raccourci (au sens propre) saisissant les monuments aux morts des communes françaises et une France désertique…


FRANCE FICTION 4/6

Philippe Claudel, membre de l’académie Goncourt, Prix Renaudot 2003 pour ” Les Ames grises ” (Stock), imagine l’Hexagone, dans vingt ans, transformé en désert

Monuments Eau Morts – extrait :

(…) Il y a trois ans, l’artiste, ancien catholique anglican converti qui suivait désormais les préceptes de la Loi, avec l’appui de son mécène – une multinationale spécialisée dans la captation et la gestion des ressources hydrologiques -, avait prélevé dans la totalité des villes et villages de France les monuments aux morts, apparus pour les premiers d’entre eux à la fin du XIXe siècle et qui commémoraient les victimes des guerres, en rappelant leur sacrifice aux générations qui leur succédaient.

Ces sculptures avaient été cédées sans difficulté, moyennant de maigres accords d’assistance humanitaire par les municipalités fantoches d’un pays devenu, depuis la quatrième guerre mondiale (2026-2028), l’un des plus pauvres de la planète et dont le territoire ressemblait désormais à une peau aride parcourue seulement par quelques communautés errantes et faméliques qui se livraient au pillage, à la copulation et à l’assassinat.

La France s’étendait sur une superficie de 5,43965 kilomètres carrés. L’artiste avait disposé sur cette aire, qui épousait rigoureusement la forme hexagonale du pays éponyme, tous les monuments en les plaçant spatialement ici, à l’endroit où ils s’étaient trouvés dans leur réalité géographique là-bas. L’oeuvre se présentait ainsi comme un condensé, au cent millième, d’un pays, de sa surface, de sa forme, ainsi que d’une nation, de sa mémoire et de son histoire ancienne ou plus récente, celles des guerres qu’elle avait subies, provoquées, perdues ou gagnées, jusqu’à la dernière qui l’avait dévastée, la privant définitivement de sa dernière richesse monnayable : l’eau. (…)


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