Paru dans le supplément “science et médecine” un long article : extraits
https://www.lemonde.fr/article-offert/nsyhwrcexjuv-6228019/dans-la-fonderie-des-rois-d-angkor
L’étude archéométallurgique de la fonderie du palais royal d’Angkor, datant du XIᵉ siècle, a été lancée en 2016 dans le cadre d’un projet de recherche franco-cambodgien. Petit à petit, le site livre les secrets de fabrication des bronziers. Les archéologues ont également remonté la piste du métal et retrouvé les anciennes mines de cuivre.
Suivons-le, au centre de l’EFEO à Siem Reap, dans les salles dites « de post-fouille et de dépôt », où l’on étudie les objets mis au jour. Ceux-ci sont presque tous gris ou noirs, cuits par les quelque 1 000 °C qu’atteignaient les fours des bronziers. Différents types de scories ; des morceaux de creusets de plusieurs tailles, les plus grands ayant un diamètre de 30 centimètres, les plus petits de 10 centimètres ; des débris de fours et particulièrement des blocs protégeant soufflets et tuyères – probablement faits en bois et en bambou – qui fournissaient l’oxygène pour monter en température ; des cônes de coulée ; des chutes de fonderie… Et des dizaines de caisses bleues remplies de fragments de moules, « uniques au Cambodge et en Asie du Sud-Est », précise M. Vincent. Certains sont très épais et indiquent que l’atelier produisait de la grande statuaire en bronze.
« On fabriquait des images des divinités hindoues et bouddhiques, et peut-être aussi des statues portraits de dignitaires, poursuit l’archéologue. Ces images – des commandes royales – étaient installées dans des sanctuaires majeurs, des sites religieux et de pèlerinage. » La plus célèbre est le grand Vishnou allongé découvert en 1936 dans le temple du Mébon occidental, qui mesurait à l’origine entre 5 et 6 mètres de long, mais il existe de par le monde, dans des musées ou des collections privées, plusieurs dizaines d’autres exemples de cette grande statuaire en bronze.
Pourquoi en bronze, justement ? « Cet alliage de cuivre et d’étain est ce qui ressemble le plus à l’or, explique M. Vincent. C’était un matériau de choix qui n’était pas accessible au commun des mortels. Il avait un aspect doré, mais il arrivait quand même qu’on recouvre les statues d’or et qu’on leur ajoute des incrustations de pierres précieuses. L’idée était que la divinité brille, resplendisse. Et, à travers toutes ces images, on avait une manifestation du pouvoir. » La proximité immédiate de la fonderie avec le palais royal n’est, pour M. Vincent, pas une coïncidence. Il est très probable que le cuivre, qui arrivait à Angkor sous forme de barres et de plaques, était stocké dans le trésor royal et redistribué aux artisans. Mais d’où venait-il ?
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