Auguste RODIN (1840-1917), La France, relief bronze, vers 1903, fonte de 1912 par Alexis Rudier ou Montagutelli, inscription : LE XX JUILLET MDCIX LE FRANÇAIS S. CHAMPLAIN / A DECOUVERT LE LAC QVI PORTE SON NOM. / LE 3 MAI MCMXII / LES ETATS DE / NEW-YORK ET / DE VERMONT / ELEVANT CE / MONUMENT / UNE DE- / LEGATION / FRANCAISE / A SCELLE / CETTE FIGVRE / DE LA / FRANCE, Crown Point, Etat de New York, Lac Champlain
Ph. Suzanne Maye, 2014/Lake Champlain Region [dropcap]
Un lac étroit comme une rivière, un phare, nous sommes au nord des Etats-Unis, non loin du Canada. Là, sur le phare, la France de RODIN. Depuis 1912, sous les traits de Camille Claudel, la France regarde au loin. Au-dessus du relief se dresse la statue en bronze de Samuel Champlain par Carl Augustus Heber, avec à ses pieds, accroupis, un soldat et un Indien. Heber, sculpteur de New York, avait été formé à Paris dans les ateliers des sculpteurs Augustus Saint-Gaudens et Paul Bartlett.
Le relief est un don de la France aux Etats de New York et du Vermont pour célébrer le 300e anniversaire de la découverte du lac par Samuel Champlain. Une souscription publique avait permis de réunir les fonds pour financer le bronze. Il est inauguré lors de grandes festivités le 3 mai 1912. Côté américain, le président Taft est présent. Côté français, la délégation, venue sur le paquebot France, ne compte pas moins de 23 membres, dont l’ambassadeur Jean Jules Jusserand, l’académicien Gabriel Hanotaux, ancien ministre des Affaires, le sénateur d’Estournelles de Constant, membre du Tribunal international de La Haye, le peintre Fernand Cormon, l’écrivain René Bazin, l’aviateur Louis Blériot, etc.
L’origine du relief remonte à une tête, portrait de Camille Claudel, à laquelle Rodin ajoute vers 1903 des épaules couvertes d’une armure et un casque, puis il place l’ensemble devant une plaque. La tête tantôt tournée vers la droite, tantôt vers la gauche, le relief se nomme Saint George, Courage ou France. Le traitement rapide au couteau, délimitant des facettes, contraste avec le modelé achevé et doux du visage. D’autres exemplaires sont connus, au musée des Beaux-Arts de Dijon, Donation Granville, à Riom où il fait office de monument aux morts de la guerre de 1914-1918, au Victoria and Albert Museum de Londres, au Maryhill Museum of Art à Goldendale (Etat de Washington).
A Crown Point, restaurée en 2009 pour le quatrième centenaire du lac Champlain, la France continue à témoigner de l’amitié franco-américaine.
Raoul JOSSET (Fours, Nièvre 1899 – Dallas, Texas 1957), George Childress, statue bronze, 1936, Washington-on-the-Brazos, Texas, Washington-on-the-Brazos State Historic Site
2 mars 1836, la Convention du Texas signa la Déclaration d’indépendance du Texas qui se sépara ainsi du Mexique. Les Texans souhaitaient l’ouverture à l’immigration (les Mexicains avaient interdit l’immigration d’Anglo-Saxons), la liberté de religion (le catholicisme était imposé comme religion d’Etat) et… la liberté d’employer des esclaves (le Mexique avait officiellement aboli l’esclavage en 1829). Le rédacteur du texte est considéré comme étant George Childress (1804-1841). Natif du Tennessee, il y avait levé des troupes pour rallier la cause de la défense du Texas. La République ainsi proclamée dura presque dix ans (1836-1845). Childress fut envoyé à Washington par le président provisoire David Burnet afin de plaider la reconnaissance de la nouvelle république par les Etats-Unis. Il l’obtint en 1837. La République du Texas fut aussi reconnue par une autre nation, la France, qui ouvrit une légation à Austin en 1840.
En 1936, le Texas célébra par de multiples monuments le centenaire de son indépendance. Ironie de l’histoire, ce sont des fonds du gouvernement fédéral qui permirent d’ériger celui-ci. Childress y est montré présentant à la vue de tous la Déclaration d’indépendance. Le sculpteur choisi, Raoul Josset, originaire de la Nièvre, était venu aux Etats-Unis en 1927 pour travailler à la Northwestern Terra Cotta Company de Chicago, manufacture d’éléments décoratifs architecturaux. Son premier contact avec les Américains avait eu lieu pendant la guerre lorsqu’il fut transféré en 1918 dans la force expéditionnaire américaine comme interprète. A Chicago, peu après son arrivée, Josset ouvrit une école de sculpture. En 1933, grâce à son amitié avec Donald Nelson, l’un des architectes du projet, il participa à l’Exposition internationale de Chicago. Le même Nelson le recommanda pour la décoration sculptée de Fair Park, à Dallas, l’ensemble de bâtiments, encore debout aujourd’hui, de l’Exposition du centenaire de l’indépendance du Texas (1936). Suivirent deux années riches de réalisations, comme ce monument-ci. Après des séjours à New York, Chicago et Philadelphie, Josset s’installa définitivement à Dallas en 1948. Il y poursuivit son art, répondant à de nombreuses commandes publiques et privées, dont les bas-reliefs monumentaux pour la façade de la loge maçonnique de Waco. Il meurt à Dallas en 1957.
Le modèle en terre et le plâtre de la statue de Childress furent achevés en juillet 1936 puis ils furent expédiés vers New York pour la fonte du bronze par Eugene Gargani & Sons, un fondeur d’origine italienne.
La statue de Washington-on-the-Brazos évoque ce moment si particulier de l’histoire des Etats-Unis où l’un des Etats, le seul jamais, fut une nation à part entière, semant là les graines des velléités sécessionnistes qui refont régulièrement surface. La reconnaissance par la France de la République du Texas créa des liens privilégiés qui perdurent aujourd’hui.
Laure de Margerie Après avoir été responsable de la Documentation Sculpture au musée d’Orsay (1978-2009), Laure de Margerie constitue maintenant le Répertoire des sculptures françaises (1500-1960) dans les collections publiques américaines, en partenariat avec l’Université du Texas à Dallas (UTD), le Nasher Sculpture Center à Dallas, l’Institut National d’Histoire de l’Art, le Musée d’Orsay, le Musée Rodin et l’École du Louvre. Riche déjà d’environ 9 000 sculptures sur un total estimé à 15/20 000 sculptures, le Répertoire de sculpture française est accessible en ligne à l’adresse www.frenchsculpture.org.