Fontes n°100 : Élisabeth Lebon

Le mystère de la porte des Lions… (Paris, porte des Lions, grande galerie du Louvre – 1847/1867)
barye_droit-biais barye-inverse-face Lion_Barye_porte_des_Lions_Louvre_Paris Les deux Lions de la porte éponyme, sont tous deux signés de Barye, mais pas dans le même sens… En 1867, au moment de la reconstruction de la galerie, l’Etat propriétaire du bronze original acquis en 1847 pour le jardin des Tuileries décide, sans recueillir l’approbation de l’auteur, d’en faire exécuter une copie inversée pour orner l’entrée du passage avec la paire. Les différences de graphie montrent qu’il ne peut s’agir d’une inversion mécanique. En inversant sa signature, Barye cisela-t-il son mécontentement dans le bronze, à destination des observateurs attentifs des temps présent et futurs ?

Le cheval de Fratin (Metz, promenade de l’Esplanade -1848/1852)
P1000600Ce « trophée hyppique » monumental est l’oeuvre de Fratin (né à quelques pas du monument), l’un des inventeurs de l’art animalier, ruiné par son instinct prémonitoire. Persuadé que le marché du bronze d’art allait se développer à une vitesse exponentielle, il s’allie dès le milieu des années 1830 à l’un des meilleurs fondeurs de son temps, Edouard Quesnel. Les deux hommes produisent très vite, avec un optimisme démesuré, un stock de bronzes animaliers gigantesque en nombre et diversité qui met rapidement le fondeur en faillite, puis oblige le sculpteur qui avait visé trop gros trop tôt, à multiplier des ventes publiques qu’il alimentera au fur et à mesure, en tâcheron condamné à modeler sans fin ces animaux qui l’auront ruiné.

Le Génie de Soyer (Paris, colonne de Juillet, place de la Bastille – 1836)

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Le Génie qui couronne la colonne de Juillet en reposant de tout son poids sur sa fragile cheville, est une prouesse technique d’une hardiesse inouïe. Fondu au sable d’un seul jet – véritable exploit, d’autant plus admirable qu’à cette époque le procédé commence seulement à être adapté à la statuaire – il signera pourtant la fin de ce fondeur d’exception quand les autorités gouvernementales, qui ne se pressent guère pour le payer, s’apercevront que, pour tenir financièrement en attendant d’être réglé, Soyer a vendu les canons qu’on lui avait livré pour fondre les décors du tombeau de Napoléon. Soyer fut emprisonné à la suite d’une poursuite rocambolesque, ce qui signa la fin de la carrière de ce fondeur… de génie.

Odette assise, de Charles Despiau (figure du Monument à Georges Leygues, Villeneuve-sur-Lot, place de l’Hôtel-de-Ville – ca 1836/1945).

Mont G. Leygues. Cl. Ray Delvert Mont G. Leygues. Cl. non identifié Maquette Mont Georges Leygues. Cl. Bernès Marouteau & Cie Carte postale Mont G. Leygues

Charles Despiau, qui fut avec Maillol la figure de proue du classicisme allié à la modernité dans l’entre-deux guerres, est peut-être le premier grand sculpteur féministe. Il n’utilise que des moyens purement plastiques (détermination des axes dynamiques, modulation de la lumière, équilibre des masses…), pour rendre subtilement sensible la beauté dynamique que revendique la femme moderne, marquée par l’affirmation assumée de sa liberté de corps et d’esprit.



Lebon est docteur en Histoire de l’art, Paris I Panthéon-Sorbonne. Ses centres d’intérêt sont le bronze d’art, les fonderies d’art, la sculpture des XIXe et XXe siècles. Spécialiste des fondeurs de bronze, E. Lebon est auteure de l’ouvrage de référence : Dictionnaire des fondeurs de bronze d’art France 1890-1950.


 

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