Aux origines de la fonte : Randan (Puy-de-Dôme)

Les lieux de la fonte d’art

 Randan (Puy-de-Dôme) : innovation et progrès technique au château

Adélaide_d'OrléansEgérie du roi Louis-Philippe, Adélaïde d’Orléans (1777-1847) fait de Randan, un domaine d’apparence traditionnelle où l’expérimentation aura libre cours. L’apparence des choses y est très classique ; les moyens le sont moins. Visitons Randan sous l’angle de la technique…

 Sur une côte dominant la plaine de Limagne qui se termine ici, près de Vichy, le château a pris la succession d’autres fortifications plus anciennes. C’est dès l’an 570 que Randan entre dans l’histoire. Dans son “Historia francorum”, Saint Grégoire de Tours signale l’existence d’un “Monasterium Randanense”. D’abord siège d’une châtellenie,Randan devient comté en 1566 au profit de Fulvie Pic de la Mirandole, descendante du célèbre humaniste italien. Les seigneurs et comtes se succèdent à Randan. Parmi les plus connus, citons les Polignac, La Rochefoucauld, Beaufremont marquis de Senecey. Puis le Duc de Lauzun et le Duc de Choiseul-Praslin qui, en 1821, vend le château à la soeur du roi Louis-Philippe, Adélaïde d’Orléans. Celle-ci entreprit la transformation du château et fit de Randan une demeure royale.

Fontaine portraitC’est en 1821 que la Princesse Adélaïde, soeur de Louis-Philippe, acquiert ce domaine, situé assez loin de Paris pour être à l’abri de tout trouble politique et proche du Bourbonnais donc de racines familiales. Elle confie à Pierre-François Léonard Fontaine, architecte qui avait déjà fait équipe avec Percier pour l’aménagement des Tuileries le soin de transformer le château et le parc de 100 ha et d’en faire une résidence princière au goût du jour.

Randan1Le château, coté vallée, présente deux grosses tours rondes : côté parc, deux tours carrées. La brique domine, même si les parties centrales sont en pierre. Une briquetterie a même été créée à cette fin. « La salle à manger, du fait de sa situation et de la déclivité du terrain, se trouve enterrée, éclairée par deux verrières donnant une lumière zénithale. Ces verrières sont elles-mêmes abritées sous un monumental « vestibule de fer » qui forme l’entrée du château au nord 1». La fonte est utilisée dans les colonnes, dessinées par le très apprécié François-Honoré-Georges Jacob-Desmalter, (1770-1841), fournisseur parisien de mobilier le plus en vogue entre 1796 et 1825.

Sur le côté, une longue aile abrite les cuisines : le toit sert de terrasse ornée d’orangers. Une chapelle est également construite, ainsi que des serres et une orangerie (1835) qui sont imitées de celles de Versailles. Des communs importants complétaient le site.

 

Emblématique du XIXe siècle

Les travaux ont duré de 1819 à 1831 sous la conduite de Fontaine. Sous des aspects traditionnels, le domaine propose un grand nombre d’innovations techniques. La Princesse ne venait pas très souvent (elle possédait également le château d’Arc-en-Barrois en Haute-Marne), mais elle n’a jamais refusé d’argent pour ce chantier, encouragée par ailleurs par le roi. Rappelons que la Princesse est à la tête d’une des plus importantes fortunes d’Europe. Les moyens n’ont donc pas manqué pour faire du château un site agréable, riche en oeuvres d’art ; l’incendie de 1925 a été une catastrophe, malgré les efforts de tous dans le domaine et le village pour sauver ce qui pouvait l’être. L’assurance venait juste d’être résiliée !

Si l’on reste dans le domaine des arts décoratifs, on retiendra l’importance de la fonte d’ornement signée Calla (à part les deux fauves, plus récents, venus du Val d’Osne) : Calla était tout désigné pour participer : il avait été chargé par Fontaine de réaliser les fontes de la galerie d’Orléans (Palais Royal) ; le père de Calla avait été élève de Vaucanson et avait travaillé sur les maquettes de Mme de Genlis, maîtresse de son père, Philippe Egalité, ;  rappelons qu’elle avait élevé Louis-Philippe et sa soeur.

Avant 1830, l’apport de Calla ne peut être que technique et décoratif : les statues en fonte ne sont pas encore monnaie courante. Nous sommes aux tous débuts de la fonte d’ornement et Calla est pionnier. On retrouve sur place les balcons du château, les deux escaliers à vis (une invention de Calla père), dont l’un est caché, enrobé de glycine, les jardinières de la terrasse et la pergola, dessinées par Fontaine, les candélabres éclairant l’entrée au château (à l’huile, d’abord), les bornes et les garde-corps limitant la terrasse et les vases Mécidis qui ornent le pourtour du château.

La fonte est également présente dans les serres extrêmement perfectionnées (chauffage par calorifère à eau et par fermentation de la fosse à fumier) destinées à protéger les orangers et à produire des fraises en hiver : l’origine du matériel (cadres vitrés, chauffage, plaques diffusant la chaleur…) est difficile à préciser sans le recours aux archives. Peut-être que leur restauration permettra d’en savoir plus.

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Une nouvelle grille monumentale en fonte et fer forgé est installée entre les piédestaux qui sont conservés mais déplacés. Les groupes sculptés d’origine, dégradés par les intempéries, sont remplacés en 1900 par des sculptures en fonte représentant un lion un tigre (Val d’Osne : sculpteur : Jacquemart)

P1030131La Comtesse de Paris (1848-1919) entretiendra le château, le remaniera, le modernisera, apportera l’électricité, l’eau courante. C’est à elle qu’on doit l’installation des deux fontes animalières de chaque côté de la grille du château, les lampadaires type ville de Paris, originaires, comme le Lion et la Panthère, du Val d’Osne**.

 

 

 

 

P1030165 P1030164La visite de la Chapelle est, sur le plan artistique intéressante : par les sculptures qui s’y trouvent, les cénotaphes, et les vitraux magnifiques venus d’une manufacture que l’on n’attend pas dans ce domaine : Sèvres qui a également développé des techniques innovantes qui expliquent la beauté des couleurs.

 

Les communs sont vastes : c’est qu’ils sont aussi la base de la terrasse reliant le château et la chapelle.

 

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Les cuisines font voir des immenses « pianos » pour préparer les repas des habitants du château, les cheminées sont équipées de fours et de broches mus par l’air chaud.

Le château en ruines est souvent perçu comme attristant. Mais le domaine mérite la visite. Pour l’histoire de l’art, il est un témoin, plus intéressant que « beau », de la rencontre des idées libérales de la Princesse Adélaïde, de la modernité des conceptions de l’architecte, pourtant classé comme néoclassique, et des choix techniques d’avant-garde d’alors.

Dominique Perchet


Ouvert à la visite (parc et parties restaurées : le corps principal du château, brûlé en 1925 et en ruine sauvegardée, ne se visite pas).

Sites web : les amis du châeau de Randan : http://amisdomainerandan.free.fr/index.htm

Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Randan

Commune de Randan : http://www.ville-randan.fr/

Voir également sur notre site : Calla (biographies fondeurs)

1) MIAM magazine d’information sur l’Auvergne en mouvement (non daté)

PHOTOS (sauf mention contraire, elles sont signées DP/ASPM)

Le château est précédé d’une avant-cour ouverte qui a connu trois états différents : vers 1825, une petite grille droite et une courte allée donnant accès à une cour qui n’occupe ps toute la façade du château. En 1829, la grille jugée trop mesquine est agrandie : elle adopte un plan en demi-lune et est encadrée par deux piédestaux : ces derniers supportent des groupes sculptés représentant chacun un lion dévorant un serpent. La seule trace qui en reste est l’iconographie ; gravures, cartes postales. On ne sait pas ce qu’ils sont devenus.

Vers 1844, la cour d’honneur adopte sa physionomie actuelle en étant agrandie. Les talus soutenant la cour sont remplacés par des murs qui sont alignés sur les façades latérales du château et dominent les fossés secs.

Une nouvelle grille monumentale en fonte et fer forgé est installée entre les piédestaux qui sont conservés mais déplacés. Les groupes sculptés d’origine, dégradés par les intempéries, sont remplacés en 1900 par des sculptures en fonte représentant un lion et  un tigre (Val d’Osne : sculpteur : Jacquemart)A cette époque, la cour est occupée par une allée circulaire carrossable de massifs fleuris et de larges trottoirs où, de mai à octobre, étaient alignés des orangers en caisse.A signaler également sur la place du bourg, le monument aux morts signé Eugène Benet et Durenne**.Cet article n’aurait pu être imaginé sans les informations données par J-F Belhoste et approfondi grâce aux précisions données lors d’une visite fort bien guidée par E. Loupandine.

* fontes animalières : cf. catalogue du Val d’Osne n° 2 planche VO2 630 n°69 et 70

** référence EE, page 5 du catalogue Durenne)

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