De Billie Holiday aux suffragettes, New York féminise sa statuaire
La ville, qui ne compte que cinq statues de femmes réelles dans ses rues, devrait en afficher douze d’ici à 2022.
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dans le parc Riverside à New York, en 2017.
CREATIVE COMMONS / CC0
Traquer les « symboles de haine »
La question et la gestion politique des statues est devenue un enjeu qui aura ponctué tout le second mandat du maire démocrate, Bill de Blasio. Il est candidat à sa propre réélection, en août 2017, quand la décision de la municipalité de Charlottesville, en Virginie, de déboulonner une statue du général sudiste Robert E. Lee déchaîne les passions et les violences entre l’extrême droite américaine et les manifestants antiracistes.
Se positionnant en faveur d’une relecture critique de la statuaire, le maire de New York annonce qu’un comité examinera celle de la ville pour y traquer les « symboles de haine ». Le retrait, dans le quartier de Broadway, de plaques des années 1930 en l’honneur du maréchal Pétain ou de Pierre Laval est envisagé. L’évocation du cas de Christophe Colomb, accusé d’être un esclavagiste, provoquera un tollé dans la communauté italienne de la ville.
En janvier 2018, la commission juge finalement qu’il vaut mieux explorer « les possibilités d’ajouter du contexte et des informations historiques » sur les personnalités célébrées que de déboulonner les œuvres. Seule la statue de James Marion Sims, le père de la gynécologie moderne, sera déplacée vers le cimetière où il est enterré, en raison des expériences que le médecin a pratiquées sur des esclaves au XIXe siècle.
Consultation et souscription
Tandis que la commission recommandait d’ériger de nouvelles statues reflétant mieux la diversité de l’histoire de la ville, Chirlane McCray, épouse de Bill de Blasio, et l’ancienne maire adjointe Alicia Glen lançaient l’association She Built NYC afin de consulter les New-Yorkais sur les femmes ayant contribué à l’histoire de la ville qui mériteraient d’être honorées.
En décembre 2018, le duo annonçait qu’une première statue célébrerait, dès 2020, la mémoire de Shirley Chisholm, la première femme noire élue au Congrès américain, en 1968. Le 6 mars, quatre nouveaux noms ont été annoncés : l’icône du jazz Billie Holiday, la pédiatre d’origine portoricaine Helen Rodriguez Trias, la leader de la lutte pour les droits civiques Elizabeth Jennings Graham, et Katherine Walker, gardienne de phare qui a sauvé la vie de dizaines de marins. Ces sculptures, qui seront financées par le département des affaires culturelles de la ville, seront érigées en 2021 et 2022.
Entre-temps, une souscription plus ancienne doit aboutir en 2020, à l’occasion du centenaire du droit de vote des femmes aux Etats-Unis, à l’érection d’un duo de statues à la mémoire de deux suffragettes, Elizabeth Cady Stanton et Susan Anthony. Elles seront les premières vraies femmes immortalisées à Central Park.
Emmanuelle Jardonnet