Renaissance africaine : 52 mètres de haut, combien de tonnes de bronze ?
Un long article du Monde signé Arnaud Robert paru le 3 décembre 2011 fait le point sur ce bronze monumental appelé “Renaissance africaine”. “Le monument de la Renaissance africaine fait la fierté du président sénégalais Abdoulaye Wade, qui briguera un troisième mandat en février. Enquête sur le symbole d’un régime autocratique”
Quelques éclairages sur le monument lui-même (source : Wikipédia)
L’ouvrage, dont les travaux ont débuté en 2002, a coûté entre 92 et 15 milliards de francs CFA3 (15 à 23 millions d’euros). Il fait partie des grands projets du président Abdoulaye Wade qui le veut « dignité du continent ». Il s’agit de montrer au travers d’une famille dressée vers le ciel, l’homme portant son enfant sur son biceps et tenant sa femme par la taille, « une Afrique sortant des entrailles de la terre, quittant l’obscurantisme pour aller vers la lumière ». Le monument figure en effet une famille africaine résolument tournée vers le nord-ouest.
La statue aurait été conçue par le sculpteur d’origine roumaine Virgil Magherusan (d’après l’article “Wade, le président et sa statue” publié dans la revue “Le Temps / Culture” – “«Il est né à Bucarest, diplômé de l’Institut des beaux-arts en 1979. A l’époque, il servait d’assistant pour des artistes qui voulaient fondre des pièces colossales, souvent des commandes du régime Ceausescu. Il s’est taillé au fil des ans une petite réputation de sculpteur monumental, au point, après son exil en France, d’être nommé «sculpteur officiel de l’Armée française»”
La conception du monument a été confiée à l’architecte sénégalais Pierre Goudiaby Atepa, déjà l’auteur – notamment – de la Porte du Troisième millénaire qui surplombe la route de la Corniche. L’œuvre a été dessinée par le président Wade qui en détient le droit d’auteur de 35 %, mais l’œuvre avait été initiée par le célèbre artiste sénégalais Ousmane Sow qui s’est depuis retiré du projet suite a une mésentente avec Abdoulaye Wade.
Sa maîtrise d’œuvre est assurée par la société nord-coréenne Mansudae Overseas Project Group of Companies4. Le paiement s’est effectué en nature, avec 30 à 40 hectares de terrain qui seront mis en valeur par un homme d’affaires sénégalais.
Selon le ministre sénégalais de la Culture et de la Francophonie, Serigne Mamadou Bousso Lèye, la durée de vie du monument sera de 1 200 ans2.
La structure abrite un restaurant panoramique accessible par un ascenseur pour 15 personnes.
Ce projet a fait l’objet de nombreuses critiques et a concentré les oppositions au président Wade6.
La polémique concerne notamment son coût jugé pharaonique dans un contexte de crise économique du pays6, un financement jugé par l’opposition peu transparent3 et l’annonce publique que le chef de l’État se réserverait, au titre de la propriété intellectuelle, 35 % des recettes engendrées par la visite du monument et la fréquentation des infrastructures attenantes et que son fils Karim Wade présiderait le conseil d’administration de la fondation chargée de la gestion. Il est également critiqué que sa construction ait été faite par la dictature nord-coréenne6. Peu avant l’inauguration, des centaines de personnes ont manifesté dans les rues de Dakar pour demander la démission de Abdoulaye Wade pour ces raisons.
Alors que certains jugent aussi le style du monument trop stalinien ou y voient des symboles maçonniques, d’autres le trouvent trop païen et indécent (le pagne porté par la femme fut rallongé par rapport au projet initial) dans un pays musulman à 95 %. (…) Des féministes ont également critiqué la position en retrait de la femme dans la sculpture. (Wikipédia)
Le Monde : “Très loin de là, dans un petit village de Basse-Normandie, Brullemail (Orne), un sculpteur tente d’oublier que lui aussi a été spolié. Virgil Magherusan a 61 ans, il roule les r. Il est né à Bucarest, a été diplômé de l’Institut des beaux-arts en 1979. A l’époque, il servait d’assistant pour des artistes qui voulaient fondre des pièces colossales, souvent des commandes du régime Ceausescu. Il s’est taillé au fil des ans une réputation de sculpteur monumental, au point, après son exil en France, d’être nommé « sculpteur officiel de l’armée française ». Dans son atelier géant, il prépare des bronzes de maréchaux en tenue de colonel, des portraits du général de Gaulle. Il peut parler des heures des distorsions de proportion, des multiples étapes qui conduisent d’une sculpture de quelques centimètres à une statue de plusieurs dizaines de mètres.
En 2004, par l’intermédiaire d’une société française, l’Etat sénégalais lui passe commande d’une première maquette. Abdoulaye Wade, qu’il rencontre en France puis au Sénégal, lui demande le portrait d’un couple accompagné d’un enfant. Virgil se rend sur l’île de Gorée, au large de Dakar, pour étudier les points de vue. Et il exécute un projet de 50 centimètres qu’il doit ensuite couler en urgence pour que Wade puisse en offrir une copie au président George Bush, de passage en Afrique.
Puis plus de nouvelles. Une facture de 6 000 euros en souffrance. Mais, surtout, la sensation douloureuse de n’avoir pas pu réaliser son grand oeuvre. « C’était sans doute la seule fois dans toute mon existence que l’on me proposait de réaliser une statue de 50 mètres, plus haute que la statue de la Liberté. Je m’étais préparé, j’avais fait un devis. J’aurais pu tout concevoir chez moi et faire couler la pièce en Europe. »
En 2010, c’est par la presse que Virgil apprend que sa statue a finalement été coulée en Corée du Nord. Là où les coutumes totalitaires ont développé une expertise dans le domaine de la statuaire monumentale. Ce qui frappe Virgil, c’est surtout l’enlaidissement de son modèle. A partir d’une première étape à 50 centimètres, le sculpteur aurait dû concevoir un agrandissement à 5 mètres avec une révision des proportions pour que, de loin, la statue ne paraisse pas difforme. Apparemment, ce sont les ateliers nord-coréens qui ont pris en charge ces étapes intermédiaires.
« Pour moi, l’homme africain est un tigre et la femme, une gazelle. J’avais respecté les formes anthropologiques dans ma sculpture. Mais dans la statue finale les proportions sont typiquement orientales. J’avais demandé à Abdoulaye Wade de pouvoir utiliser le mannequin Naomi Campbell comme modèle. Il m’avait dit qu’il n’y avait pas de problème et qu’il me l’enverrait en France. Mais les Coréens ont dessiné des jambes courtes, des proportions de primate et des yeux bridés. Aujourd’hui, je fais une croix sur cette histoire. Mais cela reste une blessure. »
Abdoulaye Wade estime la statue à 25 millions d’euros. « Je n’ai pas dépensé un franc pour ce monument, affirme le président. Ma statue, il n’y avait que la Corée du Nord, connue pour sa capacité à construire des personnages énormes, qui pouvait la réaliser. Ce n’est pas faute d’avoir essayé en Europe. J’ai dit aux Coréens : je n’ai pas d’argent mais je vous donne des terrains. J’ai demandé au service des domaines de leur attribuer des parcelles au centre de Dakar. C’est un processus bien connu, la dation en paiement. Les gens ne savent pas assez que ma spécialité, c’est de trouver de l’argent. Il ne faut pas s’étonner, je suis économiste. » (le Monde)
Liens : www.monuraf.com/