Les Emblèmes de la République par Bernard Richard.
Pour notre sujet, l’auteur nous signale deux chapitres surtout intéressants : Chap. II, Marianne (sur les statues de ladite allégorie) et surtout chapitre sur La “républicanisation” de l’espace, très “agulhonien”, avec par exemple la statuaire républicaines en lieu public et les disputes “odonymiques” de Dijon, de Saumur, de Limoges, d’Arles et d’autres villes.
Parution : 12 janvier – Format :15 x 23 Prix : 27 euros – 430 pages ISBN : 978-2-271-07299-3
Rappelons que vous pouvez télécharger sur notre site Les disputes de Dijon qui nous ont été aimablement confiées par l’auteur.
En bref : Un monument de savoir sur les images et les symboles de la République.
Le livre
Faire voir ou entendre la République pour la faire aimer : voilà le rôle, aujourd’hui comme hier, des emblèmes étudiés dans cette vaste fresque que l’on lira comme le complément indispensable aux Lieux de mémoire de Pierre Nora et aux Métamorphoses de Marianne de Maurice Agulhon. Une somme impressionnante qui retrace l’origine, la signification, les métamorphoses des symboles visuels, graphiques, festifs et sonores incarnant la République et ses valeurs. Images de la Liberté comme Marianne ou le bonnet phrygien ; panoplie d’emblèmes majeurs ou secondaires comme le drapeau tricolore, la Marseillaise, la fête nationale, le coq gaulois, le faisceau de licteur… Sans oublier ces « monuments parlants » que sont les mairies, les statues, les noms de rue, le Panthéon, les monuments aux morts de la Grande Guerre…
L’époque révolutionnaire fut la principale « fabrique des images », qui s’imposent définitivement dans les premières décennies de la Troisième République. Multipliant les inscriptions et les emblèmes, la France fin de siècle pratique une décoration cumulative, foisonnante et éclectique. La Quatrième République semble répéter maladroitement la précédente, sans jamais acquérir la même légitimité, car se profile toujours l’ombre de l’homme du 18 Juin… La Cinquième République, en revanche, amène son lot de créations ou de métamorphoses : rôles nouveaux donnés à la croix de Lorraine, images du président de la République…
Une histoire sensible et vivante qui plonge au plus profond de notre imaginaire républicain.
L’auteur
Agrégé d’histoire et disciple de Maurice Agulhon, Bernard Richard est notamment l’auteur de Cloches et querelles de cloches (2010, préface d’Alain Corbin). Cet ouvrage est le résultat de trente ans de recherche.
Préface d’Alain Corbin.
Préface
(à Bernard Richard Les Emblèmes de la République, CNRS Editions, janvier 2012)
Il existe nombre d’ouvrages consacrés à chacun des éléments que l’auteur passe en revue dans ce livre. Bernard Richard les connaît bien et les indique à la fin de chaque chapitre, en une très riche bibliographie. Mais, à ma connaissance, il n’était pas encore de synthèse aussi ample, documentée, réfléchie. À cela ne se réduit pas la portée de ce livre. À parler de synthèse on pourrait laisser croire qu’il n’y avait plus rien de neuf à dire sur les emblèmes de la République. On aurait tort.
Soucieux de rigueur, l’auteur se livre, d’entrée de jeu, à une analyse du vocabulaire : c’est que, nous dit-il, il faut se garder de confondre allégorie, icône, symbole, emblème… Outre cet indispensable souci, les éléments qui fondent l’originalité de l’ouvrage sont nombreux.
Tout d’abord, il joue avec talent des variations d’échelles. Sa connaissance de l’Yonne alimente souvent son propos, lui confère de la saveur. Le livre témoigne de l’attention portée au vécu des populations rurales, alors majoritaires ; par delà l’étude du national, qui allait de soi, Bernard Richard garde l’œil fixé sur l’étranger, notamment sur les États-Unis ; et les incursions qu’il effectue hors de l’hexagone sont toujours pertinentes.
À cette ampleur et à cet équilibre des curiosités, s’ajoute le ton apaisé, réfléchi, souvent retenu qui est celui de l’auteur ; celui-ci surplombe son objet ; et cette hauteur de vues fait de son ouvrage l’œuvre d’un véritable historien, d’un érudit sans œillères. À cela s’ajoute le souci d’indiquer la profondeur historique de chacun des éléments de son objet, qu’il s’agisse des emblèmes inscrits sur le bois et la pierre ou qu’il s’agisse des arbres, tous éléments traités généralement de leur origine à aujourd’hui.
Les vandalismes, les modes d’exécration qu’ils ont traduits, constituent, aujourd’hui, une piste de recherche qui se révèle très riche, et qui attire les jeunes historiens. Or, l’histoire des destructions et de tous les grattages d’emblèmes est présente dans ce livre.
Il est un autre aspect de l’ouvrage qui en agrandit la portée. Le livre de Bernard Richard amorce, à mon sens, un tournant historiographique, il est vrai encore timide. En regard des emblèmes de la République, et pour véritablement comprendre les parties qui se jouent, il était nécessaire d’évoquer, en attendant qu’ils soient plus amplement traités, ceux des autres régimes qui se sont succédé. Cela écarte de la perspective téléologique qui faisait oublier la complexité, l’intrication des émotions, des sentiments, des croyances et des convictions des Français de ce temps.
L’auteur le comprend : en témoignent, à titre d’exemples, les développements consacrés aux 15 Août des Empires et leur apport nécessaire à la compréhension du 14 Juillet de la République. Il en va de même des développements consacrés à l’arbre. Certes de façon un peu rapide, l’auteur rappelle le rôle du végétal dans le besoin de satisfaire le désir d’enracinement de la quatrième dynastie – ou « race ». Et n’oublions pas qu’il y eut, au total, au cours du XIXe siècle, davantage d’arbres plantés à la naissance du Roi de Rome et, plus encore, à celle du prince impérial que d’arbres de la Liberté.
Mais la localisation des plantations, leur forme, le futur attendu différaient profondément. Ainsi, le livre de Bernard Richard, je le répète, ouvre-t-il un chantier, certes à poursuivre, sur une histoire ample de l’allégorie, de la symbolique, de l’emblématique politiques au XIXe siècle et au-delà.
Il esquisse cela sans cesser d’accorder l’essentiel de son attention à la manière dont l’histoire qu’il présente reflète les valeurs et les codes de la République.
Alain Corbin Professeur émérite à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Membre de l’Institut universitaire de France