Kiosques à musique
Le retour en grâce
Par quel destin, la tente dressée dans le campement pour servir de lieu de prière est devenue lieu fixe dédié à la musique? Par quel détour? Le kiosque est lié à l’art des parcs et jardins; oublié un temps, il revient en grâce, édifice essentiel à la qualité de ville.
Lire Fontes n° 60-61 juillet 2006
Lors de l’invention du jardin urbain, il fallait des lieux adaptés à des concerts. Dans le grand parc de Versailles, le concert de plein air se faisait dans les bosquets, près des fontaines et sur les terrasses. Le kiosque a une origine persane: c’est un pavillon de construction légère élevé dans un jardin. De plan carré, ouvert sur les côtés par de grandes baies, il se rattache au temple du feu perse. Après l’implantation de l’islam en Orient, le côté dirigé vers La Mecque est muré. Ce type d’oratoire fort simple sera d’abord isolé puis absorbé dans un plan général plus vaste où le kiosque ne sera plus qu’un espace carré surmonté d’une coupole devant le mihrab: ce sera la mosquée-kiosque. Les miniatures du XIVe siècle montrent un édicule constitué par des colonnes fines en bois supportant un toit léger sur plan polygonal.
Le mot est resté, la destination religieuse a disparu, du moins en Occident et le kiosque est devenu un abri léger, propice aux rencontres discrètes hors du château, loin de la foule.
Comment est-on arrivé à la notion de kiosque tel qu’on le connaît pour les concerts en plein air? La filiation n’est pas claire. Ce qui est sûr, c’est que le monde entier s’est couvert de kiosque, dans les jardins et les parcs. Partout, les fanfares, les cliques et les orphéons ont trouvé l’abri pour se produire devant une foule attentive ou distraite; le kiosque est indissociable de la fanfare et de la chaisière. Cette société qui, le dimanche ou les soirs d’été, vient écouter une musique jouée plus ou moins adroitement, se retrouve, se montre, se reconnaît.
Le kiosque, que les Italiens appellent « casse armonica », caisse harmonique, permet à tous d’aller au concert, sans se soucier de prix, de toilette, d’horaire. Certes la musique est très « militaire » ou orphéonesque, mais c’est dans l’air du temps. Les kiosques participent à une sociabilité et une idéologie où les musiques, les fanfares, comme les sociétés de gymnastiques participent à un mouvement hygiénique, une mobilisation de la jeunesse, une exaltation de l’uniforme. À l’étranger, dans les colonies, le même modèle se répand de Saïgon à Blida, de Brighton à Chihuahua (Mexique).
L’abondance des cartes postales des années 1900 représentant le kiosque prouve que cet édifice avait une importance majeure dans le paysage urbain; une ville ne pouvait pas ne pas avoir de kiosque à musique.
Cliquez sur les vignettes pour les agrandir : photos DP/ASPM
Voir également sur ce thème l’article sur notre site consacré au kiosque de Peynet à Valence (France)
Voir également le site dédié aux kiosques dans le monde (pas tous en métal) :
http://www.kiosquesdumonde.net