Premier contact… (texte établi par Elisabeth Robert-Dehault en 2007)
Retrouvez cette histoire dans le numéro 64-65 de la revue Fontes et participez au spectacle de la coulée, chaque année en septembre ou octobre à Dommartin-le-Franc : une production en grand, en vrai, comme on en voit de moins en moins.
En 1874 l’entreprise décline. Elle peine à honorer ses traites et, en 1885, est en cessation de paiement.Alexandre Le Bachellé demande la liquidation de la société et tente, avec l’aide d’un syndic, de sauver l’affaire. L’inventaire de son matériel comporte la description de matériel plus récent : une turbine pour le moulin à noir, deux pompes aspirantes et foulantes pour l’alimentation des tuyères, une machine soufflante verticale à deux pistons double effets mus par la roue de 12 CV et quelques machines pour l’ajustage des cuisinières.
L’émaillage des cuisinières qui se faisait encore dans l’usine du haut en 1885 est ramené dans celle du bas dans un atelier mieux équipé.
À la mort de Ferdinand de Chanlaire en 1895, Charles de Chanlaire et son neveu Charles de Magnienville s’associent et créent la société Les Héritiers de Ferdinand de Chanlaire, qui passe en nom collectif en 1917 et exploite Les Hauts-fourneaux, Fonderies et Émailleries de Dommartin-le-Franc. Entre 1895 et 1913, ils investissent dans un matériel plus performant. L’usine est composée de 38 bâtiments, édifiés au fil du temps autour de celui du haut-fourneau. De nouveaux logements sont construits près de l’usine, ainsi que les bureaux actuels.
En 1910, ils rachètent à son inventeur le brevet de la fameuse cheminée-cuisinière Maillard qui connaîtra un grand succès et créent un atelier spécifique. Ils produisent également des fontes d’album, des poêles et appareils de chauffage central d’église, des cuisinières, des fontes funéraires et vinicoles
Les articles de chauffage et de ménage, d’une grande finesse d’exécution, sont émaillés dans un nouvel atelier qui a conservé ses fours. Les décors délicats sont peints à la main par des femmes.
Au décès de Charles de Chanlaire (1946), Charles de Magnienville prend en charge les destinées de l’usine en conservant les mêmes orientations. La production des seuils de fenêtre et de porte prend une place prépondérante dans le carnet de commandes. L’ensemble des bâtiments couvre une surface d’environ 4 000 m2.
Charles de Magnienville meurt accidentellement en 1963. Ses fils Charles-Étienne et François deviennent président-directeur général et directeur général adjoint. Ils héritent d’une société marquée par le poids des traditions et la fidélité de quelques clients positionnés sur des marchés en récession. Ils poursuivent la mécanisation avec l’achat, en 1964, de machines à mouler qui impose la réfection complète de l’électricité.
Après l’effondrement du marché des cuisinières et du chauffage traditionnel, les deux frères recherchent d’autres débouchés. Tout en poursuivant la fabrication de seuils de porte et de fenêtre pour Fildier, ils décident d’exploiter à nouveau le très ancien fonds de modèles de plaques de cheminée et celui des fontes d’art constitué au XIXe siècle dont des chenets, des fontaines, des bancs de jardins, des lampadaires, des vases, des balcons de croisées, des panneaux de porte et des petits éléments de fonte domestique ou ornementale.
Ils se lancent également dans la production de récupérateurs de chaleur et tissent la toile d’un réseau commercial.
En 1968, deux cubilots de 4,5 tonnes remplacent les anciens. Autour de 1975, ils investissent dans un nouvel atelier et un chantier de moulage, avec pont roulant pneumatique, silo à sable et sablerie afin de mouler au sable furanique (sable mélangé avec une résine chimique autodurcissante). Jusqu’alors, le sable était battu à la pelle et les moules, faits à la main, étaient séchés dans des étuves. 180 ouvriers travaillent dans l’usine. En 1980, ils créent le magasin Les Fontes d’Art de Dommartin pour vendre sur place une partie de la production ornementale.
L’entreprise souffre d’une conjoncture morose. Le nouveau réseau commercial n’alimente pas suffisamment l’usine qui reste dépendante de Fildier (50 % de la production) dont les commandes baissent.
Le 14 juin 1983, Les Fonderies et Émailleries de Dommartin-le-Franc déposent leur bilan, jetant la consternation parmi la centaine d’ouvriers qui y travaille encore. Pendant deux ans, elles poursuivent leur activité sous redressement judiciaire, mais le dépôt de bilan de Fildier leur donne le coup de grâce.
Charles-Étienne et François de Magnienville, avec le syndic, trouvent un repreneur en 1985 qui redémarre l’usine sous l’enseigne Fonderies du Vallage, mais connaît vite des difficultés.
En décembre 1987, il dépose son bilan. Le magasin « Les Fontes d’art de Dommartin », ainsi qu’une partie des bâtiments sont alors rachetés par la famille Lang-Ferry. La fonderie passe entre les mains de Bernard Cordier, qui tentera de sauver l’affaire, notamment en apportant la fabrication de cadres à piano. Sous l’appellation « Fonderies du Blaisois », l’usine fermera définitivement ses portes le 31 décembre 1992. La souscription publique lancée par l’ASPM en 1993 et le mécénat du Crédit Agricole ont permis de sauver la fonderie, le matériel et les bâtiments de production. Parmi eux celui dit « le fourneau », construit par Arnould François Cousin de Châtillon en 1773, abrite toujours les vestiges du hautfourneau du XVIIIe siècle, une grue de la première moitié du XIXe siècle, des machines et trois cubilots dont celui que le lycée Loritz a donné à l’ASPM en 1999. Il est rallumé chaque année, en septembre.Dans cette halle chargée d’histoire, les anciens de la fonderie et les élèves du lycée raniment l’âme des lieux.
Ils donnent un sens à cette phrase de Jaurès, chère à Gérard Dalstein : « Raviver la mémoire, ce n’est pas vénérer les cendres mais attiser les braises ».