S’il est un nom connu dans la sidérurgie, c’est bien celui de Cockerill (actuellement groupe Arcelor Mittal). L’érection des monuments successifs est l’occasion de voir comment les fonderies ont ré-interprété la sculpture d’Armand Cattier et comment on est passé de la fonte (Tusey) au bronze (bruxellois) : une relocalisation ?
Micheline Casier
En 1797, William Cockerill, homme d’affaires britannique, s’installe dans l’actuelle Belgique, à l’époque encore un territoire français. Il fonde une des plus grandes compagnies européennes actives dans le textile, les machines à vapeur, les mines de fer, les armes, la construction métallique, les locomotives, …
Né le 3 août 1790 en Angleterre, John Cockerill rejoint son père William à Verviers à l’âge de 12 ans. Il commence sa carrière en aidant son père et son frère James à la direction de l’atelier établi à Liège. En 1813, le père cède les ateliers à ses deux fils qui continuent le développement de l’entreprise en s’établissant notamment à Seraing.
En 1817, les frères Cockerill rachètent le château de Seraing, ancienne résidence des princes-évêques de Liège, au Roi Guillaume Ier des Pays-Bas pour y établir le siège de leurs activités.
(cliquez sur la vignette : image source Wikipédia)
Cockerill est terrassé par la fièvre typhoïde à Varsovie le 19 juin 1840. Embaumé, il est d’abord inhumé dans cette ville. En 1867 la dépouille est ramenée à Seraing et placée dans un caveau du cimetière de la rue de la Glacière. Ce retour ranime le projet abandonné en 1838 d’élever une statue en l’honneur de ce grand capitaine d’industrie.
Un comité, aidé par des subsides communaux, provinciaux et gouvernementaux, arrive à réunir une somme de 55 000 francs. Suite à un concours organisé le 16 octobre 1868, le statuaire Armand Cattier réalise un bronze qui sera coulé par la compagnie de Bruxelles et dont une réplique existe à Ixelles. Le 14 septembre 1947, on effectuera enfin la translation des cendres dans le caveau aménagé au pied de la statue. Ce sera l’occasion d’une imposante cérémonie d’hommage à celui qui fit passer Seraing d’une petite bourgade champêtre à la grande cité du fer et de l’acier.
Le monument à John Cockerill à Seraing
La statue de Cockerill
(cliquez sur les liens pour accéder aux fiches et galeries photos)
Monument à John Cockerill – statue de Cockerill et ensemble – Seraing
La statue, œuvre du sculpteur Armand Cattier (1830-1892) est en bronze et a été coulée par la Compagnie des Bronzes de Bruxelles. Ce monument n’est pas dédié à Cockerill seul, mais également à l’Intelligence et au Travail.
et les statues des ouvriers
Monument à John Cockerill – statues des ouvriers – Seraing
Le piédestal en petit granit de l’Ourthe est orné de quatre personnages dont les modèles sont des travailleurs de l’établissement de Seraing : Jacquemin le Houilleur, Beaufort le mécanicien, Lejeune le puddleur et Lognoul le forgeron. Ces quatre statues, toujours du sculpteur Armand Cattier, sont en fonte et ont été coulées à Tusey (Meuse).
Le monument à John Cockerill à Ixelles
Une réplique du monument à John Cockerill est aussi placée deux ans plus tard, en 1872, à Ixelles (commune de Bruxelles-Capitale) sur la place du Luxembourg, devant la gare Bruxelles-Luxembourg (qui se nommait auparavant Gare du Quartier-Léopold, en hommage au roi Léopold Ier).
http://jipedw.wordpress.com/2010/02/27/la-gare-du-luxembourg-ou-gare-du-quartier-leopold/
Pourquoi un hommage à John Cockerill à cet endroit ? Probablement, parce que c’est la première gare construite à Bruxelles en 1854 et que ce sont les ateliers John Cockerill qui ont fourni les premiers rails, wagons et locomotives de Belgique. Le sculpteur Armand Cattier interprète différemment les personnages. Sur le piédestal, la statue en pied de Cockerill est appuyée sur une enclume. À chacun des angles sont assis les ouvriers de l’établissement sidérurgique : le forgeron Lognoul, le mécanicien Beaufort, le puddleur Lejeune et le houilleur Jacquemin. Mais ici, tous les personnages sont en bronze et ont été coulés par la Compagnie des Bronzes de Bruxelles.
Monument à John Cockerill – Ixelles *
Pour faciliter la comparaison entre le traitement des ouvriers par le même sculpteur, nous avons assemblé deux à deux les photos : en bronze, c’est Ixelles, en fonte, c’est Seraing : cliquez sur les vignettes
A Ixelles, les ouvriers sont assis : en deux ans, ils auraient gagné en respectabilité par rapport à la version de Seraing ? Leurs attributs (les outils) sont en revanche toujours on ne peut plus symboliques. Et le réalisme tout aussi lointain. On ne sait rien des raisons qui ont conduit à reprendre le monument avec la même idée (le patron entouré des ouvriers), avec le même sculpteur, trout en changeant la forme, le métal et le fournisseur. La réflexion reste ouverte.
Les eurocrates, qui, en fin de journée et le verre à la main, envahissent la pelouse au pied de la statue de Cockerill à l’ombre du “Caprice des Dieux ” lèvent-ils parfois les yeux vers “le père des ouvriers” ?
http://fr.wikipedia.org/wiki/Espace_L%C3%A9opold
Liens utiles
http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Cockerill
http://fr.wikipedia.org/wiki/John_Cockerill
http://www.seraing.be/IMG/pdf/patrimoine_brochure-2.pdf