Allégorie de l’industrie
5/9/12 – Acquisition – Madrid, Museo del Romanticismo – L’État espagnol a préempté lors de la vente du 24 mai à Madrid une Allégorie du Progrès industriel, réalisée à Paris en 1852 par un artiste espagnol qui n’a laissé que ses initiales : « MMA pintó en París en 1852 ». Adjugée 6 000 euros, la toile a rejoint les collections du Musée national du Romantisme dont nous avons contacté la directrice, Madame Asunción Cardona, qui nous a signalé qu’une étude du tableau était en cours et qu’il n’était pour l’instant pas possible d’en dire plus sur cet artiste.
École espagnole du XIXe siècle Allégorie du Progrès industriel, 1852 Huile sur toile – 194,5 x 133 cm Madrid, Museo del Romanticismo Photo : Museo del Romanticismo Cliquez sur la vignette pour agrandir l’image
Le Progrès industriel prend paradoxalement l’apparence d’une figure allégorique très classique, représentée de pied, en un contrappostosouligné par un jeu de drapés colorés, dans une pose méditative, la main serrant un rameau d’olivier et une palme, sur un fond de paysage où la nature domine. A première vue, elle pourrait tout aussi bien incarner la Paix ou une martyre, mais ce sont les attributs qui l’entourent qui détonnent, illustrant les grandes inventions de la révolution industrielle : la jeune femme pensive s’appuie sur un fourneau d’où sort une fumée noire, sur laquelle sont inscrits les noms de ceux qui participèrent au développement de la machine à vapeur au fil des siècles : Blasco de Garay (1500-1552) est un navigateur espagnol qui ressurgit au XIXe grâce à un archiviste espagnol qui affirma que Garay avait expérimenté un navire propulsé à la vapeur en 1543 ; viennent ensuite Denis Papin (1647-1712), Robert Fulton (1765-1815) et James Watt (1736-1819).
Au pied du fourneau, un globe terrestre évoque ceux qui affrontèrent les océans sans l’aide du Progrès : Christophe Colomb et Flavio Gioja ; ce dernier passe pour avoir inventé la boussole au tout début du XIVe siècle. Enfin, des ouvrages portent les noms de philosophes et scientifiques, Bacon, Descartes, Leibnitz…
A droite, une autre invention majeure est suggérée : l’électricité, avec Volta qui en 1799 mit au point la pile électrique. Le peintre convoque aussi le monde de l’imprimerie qui a évolué à grands pas depuis Gutenberg, avec la mécanisation des procédés de composition, comme la linotype, et des procédés d’impression grâce à la presse à vapeur et la rotative ; tout cela bouleversa la tirage des textes et des images, dont la diffusion était en outre améliorée grâce aux innovations dans les communications et les transports.
Cette œuvre fut peinte à Paris trois ans avant l’Exposition universelle de 1855 – pour laquelle fut construit le Palais de l’Industrie dominé par La France couronnant d’or l’Art et l’Industrie, groupe sculpté par Elias Robert–, et quelques années après la réalisation du plafond de la salle des Pas Perdus (ou Salon de la Paix) du Palais Bourbon, peint à partir de 1838 par Horace Vernet. Il représenta la Paix au centre, entourée des génies de la vapeur sur terre et sur mer. Les critiques reprochèrent à l’artiste « le désagréable accouplement de certaines allégories mythologiques avec ce que la science et l’industrie modernes ont de plus matériel et de plus tangible, par exemple, la Paix, dans le costume classique et sacramentel, trônant dans un horizon de cheminées, d’usines et de fonderies », confrontation de deux mondes que l’on retrouve dans la toile de Madrid.