En Moselle, la très lente reconversion des friches sidérurgiques
Trente ans après l’échec du parc Big Bang Schtroumpf, un nouveau projet de transformation de l’ancienne aciérie de Talange-Hagondange est en cours. A terme, 500 emplois pourraient être créés.
170 millions d’euros d’investissement, 500 emplois créés à terme dans les secteurs de la logistique, de la production d’énergie verte et de la recherche. En dévoilant son projet de reconversion de la partie nord de l’ancienne aciérie de Talange-Hagondange (Moselle), le groupe alsacien Beck a redonné de l’espoir au bassin d’emploi.
Pourtant, dans les allées du marché du vendredi, à Hagondange, il n’y a pas d’euphorie. Comme souvent, ici, « on attend de voir ».
En Lorraine, la reconversion des friches industrielles est un défi qui occupe élus et fonctionnaires depuis une bonne cinquantaine d’années. Dans cette aventure, il y a eu de nombreux mirages et espoirs déçus. Le site de l’aciérie de Talange-Hagondange est à ce titre emblématique. Bâtie par l’industriel Thyssen au début du XXe siècle, l’aciérie a été la plus importante d’Europe. Spécialisée en produits longs, elle était l’une de ces nombreuses cathédrales qui dessinaient la ligne d’horizon du Texas lorrain.
« Ce parc avait suscité un tel espoir »
L’Etat-providence mitterrandien promet alors une intervention puissante pour offrir une reconversion. Le projet retenu ne sort pas de l’esprit d’un énarque ou d’un polytechnicien. Mais de l’imagination de deux commerçants hayangeois qui rêvent d’implanter ici un Disneyland à la française. Des dizaines de millions de francs sont alors débloquées, de grandes entreprises publiques mobilisées. C’est la naissance de l’un des premiers grands parcs d’attractions de France, Big Bang Schtroumpf, inauguré le 9 mai 1989… Et en faillite seulement deux ans plus tard !
Ce qui devait être le symbole de la reconversion industrielle illustrait en fait les difficultés qui s’annonçaient en la matière
Depuis, le parc a changé de nom et de propriétaires plusieurs fois, sans jamais approcher de l’objectif des 1,8 million de visiteurs et 1 000 emplois directs promis. En 2019, avant la crise sanitaire du Covid-19, à peine 300 000 personnes avaient visité le complexe, rebaptisé Walygator Grand-Est. « Ce parc avait suscité un tel espoir, se souvient Patrick Abate. Je me souviens de discussions avec des collègues au cours desquelles on se demandait s’il ne fallait pas élargir les places de nos parkings, pour pouvoir accueillir les grosses voitures des Américains… »
En réalité, ce qui devait être le symbole de la reconversion industrielle illustrait déjà les difficultés qui s’annonçaient en la matière. « Au départ, le parc devait être en partie “indoor”, sous les 40 000 mètres carrés [m2] des verrières des anciens laminoirs, rappelle l’élu. Et puis les ingénieurs ont réalisé combien il serait complexe et coûteux de transformer un site industriel en lieu de loisirs. Du coup, les Schtroumpfs ont été déplacés plus au sud, sur une parcelle vierge qui était en fait une réserve foncière de la sidérurgie. Il n’y a jamais eu le moindre haut-fourneau à cet endroit précis. »
Cet échec, les élus locaux le traîneront comme un boulet pendant de longues années. « Il restait des dizaines d’hectares à reconvertir et personne n’en voulait,raconte M. Abate. Plus le temps passait, plus la réglementation devenait exigeante en matière de dépollution, plus le dossier devenait difficile à porter… » Le tournant intervient à la fin des années 2000, lorsque l’Etat et la région Lorraine débloquent d’importants moyens pour la dépollution des anciens sites industriels. Le groupe Beck, qui a implanté une petite activité industrielle sur le site, y participe et acquiert le foncier.
« Le contexte a changé »
« Nous y avons vu du potentiel, résume le président, Philippe Beck. Nous sommes ici à la croisée de deux corridors autoroutiers européens, avec un port fluvial sur la Moselle connecté aux grands ports de la mer du Nord et la possibilité d’aménager une connexion ferroviaire. » Idéal pour une activité logistique.
« D’importantes implantations logistiques ont été menées en Moselle au cours des trente dernières années, rappelle M. Beck. Mais jusqu’alors les opérateurs préféraient s’implanter sur des parcelles agricoles ou des sites vierges, par facilité. Le contexte a changé. Aujourd’hui, les préoccupations environnementales poussent les acteurs du secteur à privilégier les implantations sur des friches. »