La Hongrie révise son histoire (“le Monde” du 14 janvier 2012)
Etonnante valse des statues ! Ce sont des symboles, mais ils en disent long sur l’imaginaire national que veut imposer le gouvernement populiste et très controversé de Viktor Orban. Le premier ministre hongrois veut en effet remodeler la vaste place du Parlement, à Budapest, pour lui rendre son aspect d’avant 1944. Il a dégagé dans ce but un confortable budget, les travaux sont imminents, des barrières déjà installées, qui ont aussi l’avantage de tenir à distance les contestataires.
N’y a-t-il pas d’autres urgences, quand le pays se débat avec la chute du forint et la fuite des capitaux ? Quand la Hongrie, qui déclencha avec courage, en 1956, la première insurrection armée contre la tyrannie communiste, essuie un feu roulant de critiques contre sa nouvelle Constitution, que tant de gens jugent antidémocratique ? Fin décembre 2011, les universités hongroises ont dû fermer pour deux bonnes semaines par manque de crédits pour chauffer les locaux, mais M. Orban applique sans faiblir son programme.
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Car la cible véritable de ce remue-ménage se trouve de l’autre côté de l’imposant bâtiment néo-Renaissance, un peu à l’écart, sous un arc brisé : c’est la triste figure, appuyée sur sa canne, du comte Mihaly Karolyi, premier et éphémère président de la République hongroise. Depuis des années, la droite radicale l’accable d’insultes, le coiffe d’une kippa juive, accroche à son cou des pancartes le qualifiant de « traître ».
Contre toute vérité historique, elle le dit coupable de l’« infâme » traité de Trianon, signé en 1920, qui a contraint la Hongrie, perdante de la première guerre mondiale, à abandonner à ses voisins plus des deux tiers de son territoire. Un tel homme ne peut qu’avoir « un coeur étranger », c’est-à-dire être juif. A défaut de le pendre, il faut effacer son image.(…)
Les Hongrois, en dehors des milieux libéraux de la capitale, montrent que Trianon n’est ni oublié ni pardonné. Les innombrables monuments érigés depuis la fin du communisme, parfois à l’initiative de villageois, perpétuent cette mémoire douloureuse où domine l’image du Turul, l’aigle mythique des Magyars.
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