Grâce à la base de données Retronews de la BNF, nous avons retrouvé quelques-uns des articles relatant l’accident mortel qui a tué Albin Rozet, député (fils de Jules Rozet, maître de forges du Clos Mortier) et une cycliste, Mlle Masselin, 19 ans.
Vous trouverez deux extraits de journaux (Le Matin et le Petit Journal) ainsi que le texte tiré de La Tribune de l’Aube (le plus précis et le plus “réaliste”) du 18 septembre 1915.
JOINVILLE
Terrible accident d’automobile
M. Albin Rozet, député, est tué ainsi qu’une cycliste
Un tragique accident s’est produit mercredi soir, qui jettera la consternation dans la Haute-Marne, en même temps qu’il aura causé la mort de l’un des membres les plus éminents du parti républicain haut-marnais.
La cause de l’accident ? Une imprudence, une de ces imprudences qui se renouvellent tous les jours, malgré la surveillance exercée par la gendarmerie.
Mais les conséquences, dit le Petit Haut-Marnais, en ont été épouvantables ; elles ont coûté la vie à M. Albin Rozet, député de Wassy, président de la Commission des Affaires extérieures, ainsi qu’à une jeune fille, Mlle Masselin. Le chauffeur de M. Rozet eut, en outre, le bras fracturé.
Voici le premier télégramme que nous avons reçu de notre correspondant de Joinville, à ce sujet :
« Joinville, 16 septembre, 8 h 30.
« Hier soir, vers 7 heures, M. Rozet, député, quittait Joinville en automobile. Deux jeunes filles revenaient de Saint-Dizier sans lanterne.
« Entre la ferme de la Planchette et Vecqueville, elles rencontrèrent l’automobile de M. Rozet, l’une d’elles, Mlle Blanche Nicot, tenant sa droite ; l’autre, Mlle Yvonne Masserin, à gauche.
« Mlle Masselin, 19 ans, fut tuée par le phare de droite de l’automobile qui, faisant panache, culbuta dans le remblai.
« M. Rozet fut tué également et son chauffeur eut le bras fracturé.
« Une enquête a été immédiatement ouverte par M. le juge de paix et M. le sous-préfet, arrivé à Joinville à 11 heures du soir.
« Les corps des victimes ont été transportés à l’Hôpital de Joinville. »
COMMENT SE PRODUISIT L’ACCIDENT
M. Albin Rozet avait profité des vacances parlementaires pour s’enquérir des besoins de l’arrondissement de Wassy, pour prendre contact avec les populations avec le dévouement, le grand cœur qu’il apportait à l’exercice de son mandat législatif.
Mercredi, il avait passé l’après-midi à Joinville qu’il quittait à 6 heures 3/4 du soir. Le temps était brumeux, la nuit déjà noire. Il voyageait dans une limousine que conduisait un chauffeur des plus expérimentés, M. Sabatier, de la Compagnie générale des Automobiles de Paris
Il était sept heures, M. Albin Rozet se trouvait assis à côté de son chauffeur. Lorsque, brutalement, inopinément, apparaît dans le rai lumineux projeté par les phares une femme à bicyclette qui traversait obliquement la route, allant de sa droite à sa gauche, c’est-à-dire à l’encontre même de l’auto qui tenait sa droite.
Le chauffeur qui connaissait très bien la région puisqu’il était au service de M. Rozet depuis huit ans, sachant qu’une plate-bande existait à côté de la route, appuya encore sur sa droite pour ne pas tuer l’imprudente. Mais celle-ci accentua le même mouvement en sens contraire.
L’auto l’atteignit et la traîna jusque sur le corps du talus haut de trois à quatre mètres. Mais au lieu de descendre le talus perpendiculairement, l’auto versa sur le côté, puis sur sa toiture et, par une dernière pirouette, se retrouva sur ses roues.
M. Rozet avait été précipité de son siège et était tombé dans le pré ; malheureusement, par une épouvantable fatalité, l’avant de la voiture s’était trouvé appuyé sur sa poitrine et sur sa tête et il mourut sur le coup, étouffé. Il portait plusieurs fractures au côté et avait le pariétal gauche enfoncé.
Le chauffeur était resté sur son siège, entraîné par les évolutions de l’auto. Il ressent une commotion bien compréhensible et a le bras droit contusionné et le bras gauche coupé par des éclats de vitres.
NOUVEAUX DÉTAILS
Deux jeunes filles de Joinville, Mlle Blanche Nicot, fille du sous-chef de gare, et Mlle Yvonne Masselin, 19 ans, fille d’un ouvrier d’usine, étaient allées à Saint-Dizier à bicyclette.
Elles s’en revenaient à la nuit tombante, leurs vélos dépourvus de lanterne, suivant la droite l’une derrière l’autre.
Soudain, elles aperçurent à quelque distance le phare d’une auto. Mlle Nicot mit pied à terre brusquement. Surprise, Mlle Masselin commit la fatale imprudence d’obliquer à gauche. L’auto arrivait à une vitesse cependant modérée. Le malheur était inévitable.
La jeune fille fut tamponnée, traînée. Son cadavre portait de multiples contusions. La boîte crânienne était défoncée et la cervelle répandue avec du sang sur la voiture.
L’auto est dans un état déplorable. Les deux roues arrière ont volé en éclats, il n’en reste que les 3 moyeux ; la caisse est défoncée, les portes arrachées, la toiture démolie.
Détail curieux. Le chronomètre que portait M. Rozet ne s’était pas arrêté.
Les débris de l’auto sont gardés par des G. V. C. Jeudi matin, une ambulance automobile a ramené la dépouille de M. Rozet à Saint-Didier, en son habitation du Clos-Mortier. M. Albin Rozet était né à Paris le 5 décembre 1852. Licencié en droit, il avait été attaché à l’ambassade à Constantinople, mais il se retira bientôt de la Carrière et fut nommé consul honoraire. Il avait débuté dans la politique par le Conseil général, en 1881.
Il fut élu député républicain, en 1889, dans l’arrondissement de Wassy et il avait été constamment réélu depuis.
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