Revue de presse : Gérard Dalstein dans le Républicain Lorrain : autobiographie

Gérard Dalstein : « La mémoire ouvrière, populaire, on s’en fout »

L’ex-Saulnois et actuel Nancéien Gérard Dalstein est un poète de talent, surtout lorsqu’il évoque l’époque de la sidérurgie, et sa « famille », les classes populaires. Rencontre avec un passionné de la vie, d’hier et d’aujourd’hui.

Voilà où Gérard Dalstein se sent comme un poisson dans l’eau : les usines, les mines, ou près des « gens de métier, les classes populaires, ma famille. » Photos RL et DR

Gérard Dalstein vient de sortir L’Émile ou l’or des Vauziers , une très émouvante autobiographie romancée sur fond de déclin sidérurgique dans le bassin de Longwy aux éditions Paroles de Lorrains. L’occasion d’en savoir plus sur ce philosophe de formation, membre de la Société des poètes et artistes de France et de la Société des poètes français, qui fut professeur à Herserange et Longwy, avant de terminer sa carrière professionnelle à la préfecture de Nancy.

D’où vous vient cette passion pour l’usine, les mines et les ouvriers, qu’on ressent fortement dans votre ouvrage ?

« Mon grand-père était mineur, j’avais un cousin fondeur, toujours à Saulnes, etc. Dès l’âge de 8 ans, j’ai eu cette attirance pour ce monde. Les grands m’appelaient “le fou”. Ils ne comprenaient pas pourquoi j’allais traîner dans les coins des mines, guetter les coulées, admirer les crassiers.

Et à côté de ça, j’avais une vision du Pays-Haut complètement différente de celle que beaucoup de gens ont. J’y ai vu et appris les arbres ou les rivières à truites, alors que d’autres parlaient d’horribles fumées sorties des usines.

L’ensemble formait pour moi une sorte de paradis, qui a orienté ma vie, comme la poésie, qui m’a toujours habité. Ça m’a amené, par exemple, à dessiner à l’encre de chine les hauts-fourneaux, ou à essayer de sauver les machines, comme ce fut le cas pour la soufflante du haut-fourneau de 1898 de Rombas, aujourd’hui installée au musée de l’énergie du Luxembourg. J’en ai aussi fait la maquette au 1/20e pour le Grand-Duché. Je réalise actuellement la maquette du haut-fourneau 1 de Hussigny pour le musée de l’histoire du fer de Nancy-Jarville. »

Y a-t-il une volonté de transmission dans votre travail ?

« Totalement. Mes livres, comme les trois tomes des Chantiers du fer (éditions Serpenoise), aujourd’hui ouvrages de référence, en sont imprégnés. Un jour de 1989, au fond de la mine d’Orne-Roncourt-Paradis de Moyeuvre, un porion m’a dit, en voyant les croquis légendés et très précis que je réalisais : “c’est ça qu’il faut faire, car il se peut qu’on ne parle bientôt plus de nous, de notre métier. Et si vous ne le faites pas, qui le fera ?”. Je n’ai jamais oublié son regard. »

Peut-on parler de mémoire oubliée ?

« Oui, clairement. On me prend pour un nostalgique. Et aujourd’hui, quand on parle de transmission, c’est à propos de la culture de Stanislas, pour en mettre plein la vue, ou de la cour de France. La mémoire des ouvriers, populaire, on s’en fout. Or c’est bien elle qui a construit la richesse de notre pays. Les gens ne passaient pas leur vie sur un siège ! J’y vois une profonde injustice, un mépris de classe, de la part des littéraires également, qui, lorsque je nourris mes poèmes de cette histoire sidérurgique, me font ressentir que la poésie devrait s’arrêter aux oiseaux, et pas s’intéresser aux travailleurs. Quand on est un peu réceptif, on s’aperçoit de la beauté d’un haut-fourneau en fonctionnement. Son débouchage est un moment de tension extrême, quasi-religieux, d’une puissance folle. »

L’Émile ou l’or des Vauziers (22€), aux éditions Paroles de Lorrains, avec 32 aquarelles à l’intérieur.

Contact : 06 24 46 77 61.

Propos recueillis par Sébastien Bonetti.

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