Place de la Concorde – Paris

La place de la Concorde si photographiée aujourd’hui, a une histoire compliquée : la fonte y prend une place considérable, autant par la qualité des monuments que par la chronologie des réalisations. S’y côtoient les fonderies anciennes et les plus récentes dans une harmonie qui fait le bonheur des carte-postaleurs…

Cet article ne cherche pas à faire l’histoire de la place mais à mettre en perspective les fontes d’art, leur histoire, le rôle des fonderies et d’Hittorff


RAPPEL

La Ville de Paris, en la personne de ses échevins et de son prévôt des marchands, décide, en 1748, d’ériger une statue équestre de Louis XV.

Commencée par Edme Bouchardon et achevée par Jean-Baptiste Pigalle, la statue équestre de Louis XV est inaugurée le 20 juin 1763. Elle est placée au centre de l’esplanade, face à l’est, à l’intersection de l’axe de la nouvelle rue Royale, qui relie la Madeleine à la Seine, et de l’axe du jardin des Tuileries et de l’avenue des Champs-Élysées.

1792 la statue de Louis XV est renversée de son piédestal puis envoyée à la fonte. La place Louis XV est alors rebaptisée place de la Révolution. La place devient le grand théâtre sanguinaire de la Révolution avec l’installation de la guillotine.

Avec la fin de la Terreur, le gouvernement décide de rebaptiser la place de la Révolution place de la Concorde (1795).

Marquée par le souvenir sanglant de la Terreur et de l’exécution de la famille royale, la place de la Concorde pose un problème politique aux gouvernements du XIXe siècle. La statue de la Liberté ayant été retirée sous le Consulat, et les projets consistant à édifier une statue de Charlemagne, puis une fontaine, ayant été abandonnés, Louis XVIII  envisage de bâtir au centre de la place un monument à la mémoire de son frère Louis XVI. Charles X pose la première pierre le 3 mai 1826. La même année, la place de la Concorde est rebaptisée place Louis XVI (l’inscription est toujours visible à l’angle de la rue Boissy d’Anglas). Mais la statue projetée ne sera jamais élevée, interrompue par la révolution de juillet 1830, qui redonne à la place son nom définitif de place de la Concorde.

En 1831, le vice-roi d’Égypte, Méhémet Ali, offre à la France les deux obélisques qui marquent alors l’entrée du palais de Ramsès II à Thèbes (Louxor). Le premier d’entre eux est arrivé à Paris le 21 décembre 1833, et c’est Louis-Philippe Ier qui décide de l’ériger sur la place de la Concorde où « il ne rappellera aucun évènement politique ». L’opération, véritable prouesse technique, est réalisée le 25 octobre 1836 sous la direction de l’ingénieur de la marine Apollinaire Lebas, en présence de plus de 200 000 personnes

Entre 1836 et 1846, la place est transformée par l’architecte Jacques-Ignace Hittorff qui conserve le principe imaginé par Gabriel. Il ajoute deux fontaines monumentales — la Fontaine des Mers et la Fontaine des Fleuves — de part et d’autre de l’obélisque et ceinture la place de lampadaires et de colonnes rostrales. La place se veut ainsi une célébration du génie naval de la France, en référence à la présence, dans l’un des deux hôtels édifiés par Gabriel, du ministère de la Marine. Les deux fontaines — inaugurées le 1er mai 1840 par le préfet Rambuteau — célèbrent la navigation fluviale (fontaine nord, avec des figures assises représentant le Rhin et le Rhône et les récoltes de raisins et de blé) et la navigation maritime (fontaine sud, avec la Méditerranée, l’Océan et la pêche).

Pour la réalisation des statues ornant ces fontaines, l’architecte fera appel à de nombreux artistes : Jean-François-Théodore Gechter, Honoré-Jean-Aristide Husson, François Lanno, Auguste-Hyacinthe Debay, Antoine Desboeufs, Jean-Jacques Feuchère, Antonin-Marie Moine, Jean-Jacques Elshoecht (dit Carle Elshoecht) et Louis-Parfait Merlieux. Les colonnes rostrales portent des proues de navire, qui évoquent également l’emblème de la Ville de Paris. Les statues allégoriques de huit villes françaises dessinent le contour de l’octogone imaginé par Gabriel. Celle évoquant Strasbourg est drapée de noir à partir de 1871, date du rattachement de l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne.

En 1854, les fossés, qu’Hittorff avait conservés, sont comblés pour mieux adapter la place à la circulation.

Source Wikipédia

 



Pour voir les fontes de la place de la Concorde, reportez vous sur e-monumen ; quatre fiches décrivent les fontes de la place

Lusson avait fait ses propres projets : son album (source : bibliothèque Forney Paris)  montre l’agencement de la  place de la Concorde avec quatre fontaines.

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Hittorff se voit chargé de cette réalisation mais doit composer avec les contraintes esthétiques et financières. C’est peut-être pour cette raison qu’il choisit la fonte, plutôt que le bronze, mais en fait  d’autres indications nous montrent qu’il croyait en ce matériau qu’il utilisera encore dans les jardins des Champs-Elysées avec les fontaines signées Calla. (voir article dans ce site).

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Hittorff dessine tout et fait réaliser ses dessins par des sculpteurs.

Dessin des candélabres (voir fiche) et ci-après photo ancienne  par Charles Marville

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Hittorff comme les architectes de l’époque (Visconti, Lusson…) travaille avec la fonderie Calla qui a pris une avance technique et qui se trouve sur place à Paris, ce qui permet d’échanger. Normalement, Calla doit faire les fontaines. Il est celui qui a travaillé sur la fonte malléable, sur les procédés pour améliorer la fonte.  Mais, est-il raconté dans la notice nécrologique de Calla, on  impose un appel d’offres (marché au rabais) et c’est une jeune fonderie de la Meuse, la fonderie Muel à Tusey, près de Vaucouleurs, qui remporte le marché des colonnes rostrales livrées en premier et des fontaines ensuite.

Hittorff  est ami avec Calla, fondeur, installé à Paris, avec qui il travaille à l’utilisation de la “fonte malléable” qu’il a mise au point.
“Ce n’était pas tout pour Calla de prétendre y employer la fonte de fer en étudiant les mélanges de métaux, la chaleur de coulée et la délicatesse du moulage. Il fallait persuader les artistes.Il était alors en relations très amicales avec un grand architecte, l’homme par excellence des traditions et des convictions, mais dont l’esprit était en même temps progressif et audacieux : nous avons nommé Hittorff qui a tenu une si grande place dans les travaux et embellissements du Paris moderne. Hittorff et Calla se comprirent tout était préparé entre eux pour les fontaines et lampadaires de la place de la Concorde dont l’exécution en fonte de fer causa en son temps tant de surprise.”

C’est donc Hittorff qui va passer la commande, prendre le risque de la fonte, matériau émergent, ignoré alors  dans l’ornementation. Mais le projet de la place de la Concorde  échappe à Calla :
“La commande des fontes de la place de la Concorde ne fut pas donnée directement, comme s’y attendait Calla qui avait fait l’étude des procédés ; Hittorff eut l’ordre de faire une de ces adjudications au rabais, logiques en principe, mais qui ne sont pas toujours justes dans la réalité, témoin ce qui arriva pour Calla : des fonderies champenoises, n’ayant pas les mêmes frais de main-d’œuvre et d’octroi que les Parisiens, eurent à plus bas prix toute la commande et, pour fiche de consolation, Calla n’eut que les petites fontaines des Champs-Élysées, dont la décoration rentrait aussi dans ce beau plan d’Hittorff, qui a donné tant de splendeur à ce nouveau quartier de Paris..Calla fut plus heureux ensuite, à l’église de Saint-Vincent-de-Paul, autre grande œuvre de son ami et collaborateur Hittorff.”

La chronologie est intéressante : Hittorff a laissé peu de temps à la fonderie pour livrer ses productions, alors que jamais, on n’avait en fonte fait de pièces aussi compliquées. Guettier vient d’arriver à Tusey, il organise ou réorganise la fonderie de Muel, embauche des ouvriers qualifiés à Paris (est-ce chez Calla ou des bronziers, on ne le sait pas) et se lance : en 1837, les candélabres sont livrés, en 1838, les fontaines, en 1840, on inaugure en grande pompe devant Rambuteau, préfet de Paris.


Pour avoir des renseignements très utiles sur les fontes de la place de la Concorde, on téléchargera utilement le fichier EcK.pdf disponible  dans notre base bibliographie.

Eck , Charles Louis Gustave  ) Bazaine , Pierre-Dominique

Traité de l’application du fer, de la fonte et de la tôle dans les constructions civiles industrielles et militaires, dans celles des ponts fixes ou suspendus, des chemins de fer, des écluses et des digues .. ; [suivi d’un aperçu sur l’art d’ériger les tuyaux de cheminées en brique d’après le nouveau sytème …] / par Ch. Ls. Gu. Eck . [Suivi de] Mémoire sur la construction de nouveaux planchers destiné à rendre les bâtiments incombustibles / par feu P.-D. Bazaine, … ; avec 80 planches gravées par Hibon et Ad. Leblanc

Paris : Carilian-Goeury et Vor Dalmont , 1841  – 115 p. – 63 f. de pl. – 8 p. – 4 f. de pl. – 32 p. – 13 f. de pl. ; 45 cm.

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