Livre : La France gallo-romaine (extrait “Mines et métallurgie”)

Mines et métallurgies

Les grands travaux linéaires (TGV, autoroutes) ont mis au jour, en plusieurs points du territoire, des mines et des vestiges d’activité de transformation du minerai en métal qui viennent compléter des recherches programmées d’envergure menées depuis une vingtaine d’années, particulièrement dans le sud-ouest et dans l’est de la France.

L’exploitation du fer, peut-être en raison de son abondance dans le sous-sol gaulois mais aussi par la quantité de déchets qu’elle génère, est la mieux documentée à ce jour. Elle a pu être attestée, à grande échelle, dans l’Est (Bourgogne, Franche-Comté, Lorraine), dans le Sud (Cévennes et Montagne Noire), dans le Berry et dans le Centre ou encore dans la Sarthe. Dans plusieurs de ces secteurs, des activités d’extraction et de transformation ont été mises en évidence dès le premier âge du Fer, avec un accroissement notable à compter des IIe Ier siècles avant notre ère. Il semble, dans la plupart des cas, que la productivité augmente encore à l’époque romaine avec une exploitation qui se poursuit parfois dans l’exacte continuité d’une activité antérieure comme aux Clérimois dans l’Yonne, parfois en décalé. On a également pu mettre en évidence, notamment dans l’Est ou dans la Montagne Noire, de véritables districts métallurgiques bien délimités géographiquement et qui réunissent de nombreux ateliers de sidérurgie et des zones de plus petite production. Dans le premier cas, les quantités produites – plusieurs dizaines de milliers de tonnes – dépassent largement les besoins locaux et ont dû faire l’objet d’une exportation à l’échelle de la Gaule et même au-delà. Le statut de ces vastes entreprises est délicat à cerner : aux Martys (Aude), on a ainsi proposé que l’exploitation ait pu être contrôlée, tout au moins dans la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère, par une compagnie de publicains (organisme privé lié à l’État par contrat d’affermage) œuvrant dans un district appartenant à l’État, mais sans exclure l’hypothèse d’un riche entrepreneur privé. Dans d’autres cas, notamment dans la région d’Autun, on a suggéré une possible gestion municipale.

Sur le tracé de l’autoroute A2 8, aux Petites Rouilles (Sarthe), les mines de fer sont exploitées sur 4 hectares entre le IVe siècle avant notre ère et l’Antiquité tardive. À l’époque romaine, elles sont exploitées par des puits profonds de 5 à 8 mètres, donnant accès à des chambres et à des galeries visibles en bas du cliché. Pour des raisons de sécurité, la fouille en profondeur a imposé l’aménagement de gradins (fouille Véronique Gallien, Jean-Yves Langlois, Inrap).

Ces mines, exploitées en puits, en souterrain ou à ciel ouvert selon les cas, sont étroitement associées aux structures liées à la réduction du minerai, le plus souvent sous la forme de batteries de bas-fourneaux ; les déchets, abondants avec cette technique, étaient ensuite rassemblés en tas (ferriers). Le fer était ensuite transporté sous la forme de lingots ou de barres de métal brut ou semi-ouvré jusqu’aux lieux de forge, fréquemment réunis dans des agglomérations.

Les recherches récentes nous renseignent par contre moins sur les autres minerais qui, tout comme le fer, sont exploités bien avant la conquête romaine. L’or est ainsi attesté en Pays-de-la-Loire et en Bretagne, dans les Pyrénées ou encore dans le Limousin. C’est dans cette dernière région que des investigations récentes ont montré que les mines, longtemps datées de l’époque romaine, étaient en réalité gauloises et furent abandonnées à l’époque augustéenne. Des indices encore ténus semblent indiquer une poursuite des exploitations dans les autres secteurs, mais sous une forme plus réduite. Dans ce domaine, la part de l’orpaillage ne peut en outre être facilement quantifiée compte tenu du peu de traces qu’il laisse, mais quelques données prouvent sa réalité, notamment dans les Ardennes belges. Nous sommes de même mal informés sur le plomb, l’argent et le cuivre (ce dernier sans doute exploité de manière secondaire), surtout présents dans les Cévennes et la Montagne Noire, ou encore sur l’étain dont des gisements existent en Aveyron, dans le Limousin ou en Loire-Atlantique. Leur exploitation, qui paraît au moins en partie contrôlée par l’État, ne fait toutefois aucun doute. Une enquête récente menée sur des sédiments du lac d’Anterne (Haute-Savoie) a ainsi permis de mettre en évidence leur forte contamination en plomb aux IIe IIIe siècles de notre ère, avec un pic vers 220 où les teneurs sont supérieures à celles liées à l’utilisation des essences plombées dans les années 1970. Cette pollution de l’environnement a été mise en relation avec la réduction de ce minerai sur place (mines de Passy) et trouve un écho dans la présence à Vienne du plus grand nombre d’artisans du plomb recensé à ce jour (50) en Gaule romaine, grâce à leurs marques de fabriques sur les tuyaux.

A propos du livre : les auteurs : Martial Monteil (université de Nantes) et Laurence Tranoy (université de La Rochelle) sont archéologues et enseignent l’archéologie et l’histoire antiques. Ils ont dirigé plusieurs chantiers de fouille préventive et programmée et ont plusieurs publications à leur actif. Les recherches de Martial Monteil portent plus particulièrement sur les villes de la Gaule romaine, principalement dans l’ouest et le sud de la France. Laurence Tranoy quant à elle s’est penchée sur les pratiques funéraires en Gaule ; elle travaille également sur les centres urbains.

 

180 pages – La Découverte (20 mars 2008) – Collection : Archéologies de la France – ISBN-10: 2707154385 – ISBN-13: 978-2707154385

 

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