ou comment passer de symbole de luxure, colère et sottise à celui de la France ?
En latin, gallus signifie coq et gaulois. L’assimilation paraît évidente. Pourtant, elle n’a pas été de soi, le coq passant par des avatars complexes et variés.
Le coq blanc antique était symbole de lumière et d’immortalité de l’âme. Le Moyen Âge, oubliant tout cela, fait du coq celui qui sait discerner les heures, et donc le symbole de la vigilance et de la lutte contre les démons de la nuit. On s’explique ainsi la place du coq au sommet des clochers. La légende populaire veut que le coq ait été envoyé s’empaler sur le clocher par saint Pierre, rendu furieux par son cri strident qui lui rappelait son triple reniement !
Dans la littérature profane, le coq a un rôle moins noble : coquart signifie fanfaron, coquebert, niais et sot. Pour une famille “noble”, porter le coq dans ses armoiries est présomption de roture ou de fausse noblesse.
Deux cultures très différentes ont du mal à se marier. Pour les Anglais et les Allemands, le gallus symbolise ce pays peuplé de sots et de fous qui manifestent leur imbécillité : la France. Dans les traductions en français des textes étrangers, on remplace prudemment gallus par une poule !
Le coq gaulois est la figure inversée de l’aigle impérial et du léopard britannique. Quant au royaume, il se définit plutôt par l’emblème des lys que l’on retrouve tout au long de la royauté.
On passe au coq fier quand, à la Renaissance, on redécouvre les Gaulois, la valeur du coq blanc de Jupiter et Mercure. Les rois et les Français commencent alors à se qualifier de galli à partir du XVe siècle. Sous Louis XII, le roi est Gallus, la reine, Gallina, et les sujets Pulli, les poussins. A chaque défaite de Napoléon, les adversaires de l’empereur représentent le coq foulé aux pieds par les empereurs coalisés, les aigles et les lions, preuve que l’assimilation fonctionne bien depuis la Renaissance.
Le coq est dans la galerie des glaces à Versailles, il est dans les emblèmes révolutionnaires, il est naturellement sur les monuments aux morts. Blessé avant 1914 (cf. le coq de Bar-le-Duc), il se redresse sur ses ergots, annonçant le retour de la lumière de la civilisation en 1918, dans les monuments les plus nationalistes.
Article extrait du numéro de Fontes 31-32 paru en 1998