Notre-Dame du Mékong : une histoire extraordinaire
(texte d’après le blog cité en référence)
En avril 2008, à quelques centaines de mères en amont du village d’Areykhasth sur le fleuve Mékong en face de Phnom-Penh, un pêcheur accroche son filet sur une bout de métal immergé dans le lit du fleuve. (…) La récupération du métal est une activité régulière, et complémentaire à la pêche dans le village, majoritairement habité par des pêcheurs d’origine vietnamienne, dont ils ont conservé la langue. (…)
Un groupe, composé de 8 bouddhistes, s’attaque à la récupération du métal. Un simple tuyau relié à la surface permet aux travailleurs de respirer. Ils extraient tout d’abord une plaque de métal de 3 mètres sur 2,50. Puis, le 16 avril, un des vietnamiens plonge et voit un bloc de métal à une profondeur d’environ 2 mètres. Au vu de la partie dépassant de la vase, le bloc s’avère imposant.
Au cours de la manoeuvre, un villageois catholique plonge à son tour, et identifie ce bloc de métal comme étant une statue de la Vierge Marie ! Elle se trouvait fichée dans la vase le tête en bas.(…) le groupe réussit à sortir la statue de l’eau. Il s’agit d’une oeuvre en fonte, de 1,50 m de haut pour 130 kg. La surface est abîmée, mais quelques traces de peintures restent visibles. Sur le côté gauche du socle apparaît l’inscription “union artistique de Vaucouleurs”. Les expert(e)s reconnaitront sans peine Notre-Dame de Lourdes.
Un acheteur à Phnom-Penh est intéressé pour acheter cette statue au prix de 1000 $. Mais la communauté catholique d’Areykhasth veut l’acquérir, et trouve un accord avec les pêcheurs pour un prix de 500$. Chacun se cotise donc dans la paroisse, pour regrouper une somme qui n’atteint malheureusement que 300$. Un des membres de la paroisse fournit alors le complément : L’affaire est entendue! La statue est conservée dans maison d’un des pêcheurs .
La veille du paiement, ces derniers sont regroupés autour de la statue . Que s’est-il passé ce soir là vers 22h? La soirée était-elle trop arrosée? Les informations sont contradictoires à ce sujet, et quoi qu’il en soit irrationnelles. Toujours est-il que les pêcheurs ont renoncé aux 500$, et décidé de donner la statue à la paroisse. Ils expliquent qu’ils ont vu la statue voler! Effrayés par cette vision, ils se sont mis à la prier. Ils considèrent dorénavant cet objet comme sacré, donc non monnayable. Ce sera un don. Le comité paroissial, connaissant le peu de moyens de ces pêcheurs, décide de les payer néanmoins avec du riz (30 kg par famille), des nouilles et de la sauce de soja.
Au tout début, la statue est installée devant l’église. Elle reçoit le nom de Notre-Dame du Mékong. Depuis ce moment, de nombreuses personnes font le déplacement pour la voir et la prier. Puis un piédestal est construit pour la mettre en valeur.
Cliquez sur l’une ou l’autre des images (signées FX Babinet) pour lancer la visionneuse
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Voir la fiche d’inventaire : Notre-Dame du Mékong
De Vaucouleurs au Cambodge, quel est l’itinéraire de cette statue?
Je suis passé l’an dernier par Vaucouleurs, près de Nancy, afin de mener l’enquête. Vaucouleurs était une petite ville typique de la révolution industrielle. Elle accueillait, entre autres entreprises, au moins deux fonderies : Les fonderies de Tusey, qui ont réalisé les fontaines de la place de la Concorde, et la fonderie qui nous intéresse. Elle a eu plusieurs noms successifs : « Union artistique de Vaucouleurs », comme indiqué sur la statue, mais aussi “Union Internationale artistique”, son nom le plus connu. Fondée en 1860 par Martin Pierson, son fils puis son petit-fils ont dirigé l’entreprise de statues et monuments funéraires en pierre, fonte plâtre, terre cuite et bois. Le succès fut considérable, et les productions de l’Union artistique sont visibles sur tous les continents. La maison ferma ses portes en 1967. Les bâtiments furent démolis, pour faire place à un lotissement appelé Saint-Thiébaut.
Notons au passage que de 3000 employés à l’époque, Vaucouleurs n’en compte que 400 en 2010…
Les personnes rencontrées à Vaucouleurs, Messieurs Jobert et Mourot, soulignent, en le regrettant, que la famille Pierson n’a conservé aucune archive de la fonderie. Deux indices ressortent pourtant de cette visite
– Au vu de la photo , la statue remonterait aux années 1900 – 1920.
– Nous avons compulsé un ancien catalogue de la fonderie : La statue du Mékong correspond clairement à « ND de Lourdes N°8 »
Deuxième énigme, où était cette statue avant de disparaitre dans le lit du Mékong?
Un quart de la population cambodgienne a été exécutée sous les khmers rouges voilà plus de trente ans, aussi cette question reste actuellement sans réponse. A ma connaissance, aucun Européen n’a pas non plus identifié son ancien emplacement. D’ailleurs la cathédrale de Phnom Penh ainsi que la quasi totalité des églises de Cambodge ont été détruites à cette sombre époque. Chou blanc.
Troisième énigme, quand, par qui et pourquoi cette statue a-elle été immergée? Pas de réponse là encore, mais deux hypothèses sont avancées :
1/ Au fil des vissicitudes qu’a connues le Cambodge, le régime du Général Lon Nol avait lancé en 1970 des attaques contre les communautés vietnamiennes qui y étaient présentes. Certains villages ont été évacués en mai par bateau, et la statue aurait pu être emmené et jetée à l’eau lors de cette fuite.
2/ Sous la furie khmère rouge, qui persécutait toutes les religions, l’immersion des statues de Bouddha était une pratique courante en vue de les protéger. Les catholiques auraient utilisé le même procédé.
Pas de réponse à cette troisième énigme, mais il est probable que cette statue a passé 33 à 38 ans sous l’eau.
L’aspect surnaturel de cette histoire sera cru ou non par tout un chacun. Je signale dans ce domaine que des demandes de guérison sont formulés devant cette statue, comme à Lourdes.
Plus intéressante à mon sens est l’attraction discrète mais réelle qu’exerce Notre Dame du Mékong dans cette région d’Asie, voire au-delà.
Si l’accès au sanctuaire est très simple ( prendre à 100 m en amont du Naga World le bac qui traverse le Mékong, 500 riels soit 0,2 €), il faut savoir qu’il est à des siècles-lumière de Lourdes, juste un petit terrain devant une route en terre. Le village d’Areykhasth, en partie lacustre, est très pauvre. En plus de la pêche, une partie des revenus provient du dénudage de fils électriques pour récupérer le cuivre. Ce village qu’on pourrait trouver au fin fond du Cambodge, se trouve juste en face de la capitale et son Palais Royal, est un vrai paradoxe. Pourtant des visiteurs et pélerins viennent chaque jour, parfois quatre ou cinq personnes, parfois bien plus.
Dans cette terre qui a été broyée, dont l’histoire entre les peuples est tendue, cette statue parle à beaucoup de monde. Des Vietnamiens, du Cambodge ou d’ailleurs y viennent. Des Cambodgiens également. Parmi les pélerins se trouvent aussi des bouddhistes. Il n’est pas de lieu sacré sans message. Voilà la dernière énigme de Notre-Dame du Mékong.
Source : http://fixbab.org/2012/01/05/lettre-15-une-statue-sauvee-des-eaux/
Sylvain Roze, poursuivant des recherches sur l’Union artistique de Vaucouleurs et M. Pierson a repéré ce blog ; contact pris avec l’auteur (F-X Babinet), nous pouvons vous faire partager cette information. Que tous deux soient remerciés.