La sculpture au XIXe siècle ; mélanges pour Anne Pingeot

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La sculpture au XIXe siècle. Mélanges pour Anne Pingeot

Auteur     : Catherine Chevillot, Laure de Margerie, Collectif
Paru le     : 09/07/2008
Editeur     : NICOLAS CHAUDUN
Isbn     : 978-2-350-39054-3 / Ean 13 : 9782350390543

RESUME

melanges_pingeot En 1986, l’ouverture du musée d’Orsay et l’exposition ” la sculpture française au XIXe siècle ” marquèrent le début d’un profond mouvement de redécouverte de l’art de cette époque, qui fut pour la sculpture d’une importance déterminante.
La nef du musée, entièrement dévolue à ce domaine, donnant à voir des œuvres oubliées depuis des décennies, frappa les esprits, et cette réalisation pionnière fut à l’origine d’une vaste entreprise de sauvetage de galeries entières de sculptures du XIXe siècle. Cet élan doit énormément à l’œuvre d’Anne Pingeot. Les 75 études réunies dans ce volume rendent hommage à son action, passée, présente et future !

 


Paru dans le Nouvel Observateur (extrait)

La valse des adieux : Une statue pour Anne Pingeot

Elle est partie en catimini, au mois de mai, jour de ses 60 ans, décrochant du parvis du Musée d’Orsay son légendaire vélo à panier d’osier qui y stationnait sans relâche depuis trente-deux ans. Mercredi 25 juin, quelques poussières de gloire vont quand même éclabousser Anne Pingeot. Des conservateurs du monde entier ont décidé de lui rendre hommage dans cette ancienne gare qu’elle a peuplée de sculptures, et dont l’allée monumentale est devenue la marque mondiale d’Orsay.

[___] Cette dix-neuvièmiste érudite appartient au petit nombre des grands historiens qui ont inventé leur domaine de recherche, à l’instar d’un André Chastel ou d’un Francis Haskell. En 1986, lors d’une mémorable exposition au Grand-Palais, elle exhibe cet âge d’or méconnu de la sculpture que les conservateurs tenaient pour un «grand désert kitsch», rappelle Guy Cogeval, actuel président du musée. Entre Barye et Degas, la première dame de l’ombre redécouvre des bronzes d’hommes célèbres – ou plutôt leurs plâtres, puisque les Allemands les avaient fondus pour en faire des armes – et regarde comme des oeuvres d’art des bibelots et des dessus de pendule que personne n’avait jamais considérés. Bustes ou portraits en pied de «grands hommes» deviennent l’un des axes de ses travaux. «Sans le sourire et l’attention d’Anne Pingeot, […] s’intéresserait-on encore à la statuaire monumentale des places publiques en France ?», demande Judith Kagan, conservateur en chef du patrimoine.
Art de commande, style pompier ? Dans ce champ d’étude tout neuf, la conservatrice découvre, les témoignages d’une histoire sociale, culturelle, mais aussi politique. Passionnée de «grande et petite histoire», raconte sa disciple Emmanuelle Héran, elle convoque Maurice Agulhon, les «Lieux de mémoire» de Pierre Nora et toutes les biographies de grands hommes, de Thiers à Clemenceau, pour bâtir son panthéon. Un clin d’oeil ? En guise de cadeau, Mme Héran commente le classement comme monument historique, en 1999, à Cayenne, de la statue de… Victor Schoelcher. Un de ceux dont Mitterrand avait fleuri la tombe en mai 1981.

«Le temps, ce grand sculpteur…», écrivait Marguerite Yourcenar. Dès son élection, Mitterrand engage ses «grands travaux» et inaugure en 1986 le Musée d’Orsay, accueilli par une Anne Pingeot imperturbable. Dans le recueil qui vient de lui être offert, on devine qu’on lui doit peut-être aussi la restauration du pont Alexandre-III. Anne Pingeot fut également «consultée» pour imaginer quelle statue pourrait trouver sa place, au Louvre, sous la Pyramide de Pei. Elle «suggéra»» le Penseur» de Rodin. Mais, vu du dessous, «le personnage assis» risquait de provoquer des commentaires déplacés.
«Ma mère est l’héroïne d’un film que personne ne verra jamais», a écrit Mazarine Pingeot. Inconnue des télévisions, hormis la chaîne Equidia, Anne Pingeot se laisse deviner au fil des pages de ces savantes contributions. On entend sa voix de «flûte traversière», on imagine ses boîtes à chaussures pleines de la vie et des oeuvres de «ses» sculpteurs, on l’aperçoit, brandissant des photos de statues dégradées «sous le nez» de ses collègues, «le corps tendu par la colère», arpentant son petit Instamatic à la main les mairies, les dépôts, les réserves, les décharges – d’où elle sauva les «Six Continents» exposés sur le parvis d’Orsay. Anti-Carla Bruni, intellectuelle d’un autre siècle, l’insaisissable n’est croquée dans ce livre qu’au fusain, visage retourné, sur son deux-roues. «Le musée se devrait de conserver ce vélo comme un vestige sacré des temps héroïques pour édifier les jeunes conservateurs, écrit Guy Cogeval, façon canne de Churchill au War Museum de Londres».

(1) «La Sculpture au XIX siècle (Mélanges pour Anne Pingeot)», 75 études inédites, Nicolas Chaudun Editeur.

Ariane Chemin
Le Nouvel Observateur

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