Retour sur la visite du Cilac en terre de fonderie (juin 2011)

Dans la revue du Cilac, carnet de voyage

Le 18 et 19 juin 2011, l’ASPM, adhérente au Cilac (l’association nationale qui valorise le patrimoine industriel) avait organisé un voyage de deux jours dans le secteur de Saint-Dizier, vallée de la Blaise, vallée de la Marne, vallée de la Saulx, avec des haltes majeures à Dommartin-le-Franc, Sommevoire, Osne-le-Val, Ecurey… Ce voyage faisait suite à un gros dossier paru dans un numéro de revue fin 2010 de l’Archéologie industrielle en France (AIF numéro 57).

couv 59_AIFw Comme d’habitude, un compte-rendu de visite vient de paraître dans le numéro de l’AIF publié fin décembre 2011 ; sous la plume de Paul Smith (chercheur au Ministère de la Culture) agrémenté de photos, ce texte vient valoriser l’histoire de la fonte d’art qui reste, à l’évidence, une découverte pour beaucoup de personnes, même parmi les spécialistes de l’industrie. Pour faire bonne mesure, les deux couvertures (I et IV) de la revue montrent l’usine du bas à Dommartin-le-Franc, dont une le jour de la coulée avec le lycée Loritz. Pour les  personnes désireuses de revenir sur ces textes; nous indiquons les liens permettant d’accéder au sommaire de la revue et à la rubrique permettant de la commander en ligne.

AIF N° 57 – décembre 2010

Enfin disponible : l’Archéologie industrielle en France : le numéro 59 est paru

Pour lire le compte rendu de Paul Smith (mais sans les photos de l’auteur à qui nous laissons aussi les points de vue qualificatifs et sans l’appareil de notes et de renvois), voyez ci-après…


Au pays de la fonte d’art – Le week-end du CILAC, 18-19 juin 2011 (Paul SMITH)

Le samedi 18 et dimanche 19 juin 2011, pour son traditionnel week-end estival − quinzième de la série ! − le Cilac est parti dans les départements de la Haute-Marne et de la Meuse à la découverte des pays de la fonte d’art. Une trentaine de membres de l’association se sont rendus à Saint-Dizier pour retrouver notre guide Dominique Perchet, qui avait troqué pour l’occasion sa casquette de trésorier du Cilac pour celle d’animateur de l’association pour la sauvegarde et la promotion du patrimoine métallurgique haut-marnais.

C’est en grande partie le travail acharné de cette association, fondée en 1990 autour de la sauvegarde du haut fourneau de Dommartin-le-Franc, qui est à l’origine de la création dans la Haute-Marne d’un ambitieux outil touristique multi-site soutenu par de nombreux partenaires publics et privés. Né d’un pôle d’excellence rurale labellise en 2006, il est ouvert depuis juillet 2010 et s’est donné pour nom « Metallurgic Park ».

Après quelques pas de promenade à Saint-Dizier, le car nous a emmenés donc en direction de Dommartin par la vallée de la Blaise, l’une des plus anciennes vallées métallurgiques de France, comptant au XIXe siècle une vingtaine de hauts fourneaux et de nombreuses usines de transformation. Chemin faisant, une première halte à Wassy : sa gare, inaugurée en 1892, aujourd’hui désaffectée et servant de dépôt de véhicules pour une association de sauvegarde du patrimoine ferroviaire, les Amis de la Gare de Wassy ; son canal, creusé en 1883 ; et son église Notre-Dame avec ses bénitiers en fonte. Une seconde halte à Montreuil-sur-Blaise nous a permis d’admirer l’une des attractions du village, la roue à aubes installée en 1890 par Edmond Capitain-Gény pour un atelier d’usinage de poêles.

Dommartin-le-Franc est le principal site de Metallurgic Park, axé autour de l’interprétation en son et lumière de son haut fourneau de 1839 (inscrit monument historique en 1986), et du chantier de coulée mis à jour en 2004 et reconstitué d’après un inventaire de 1848i. Dans l’ancienne halle à charbon, sans trop s’attarder sur la production en très grande série ni sur la diffusion planétaire de la fonte d’art haut-marnaise, la muséographie met en exergue quelques spécimens exceptionnels : des poêles, des fontaines Wallace, des panneaux Guimard pour le métro parisien, des monuments aux morts et quelques autres statues-lampadaires. Mais le lieu se veut en même temps une vitrine pour le rayonnement contemporain des industries métallurgiques de la région, évoqué à travers des témoignages des acteurs de ces industries et par un tonitruant spectacle audio-visuel qui entoure le visiteur de ses quatre grands écrans.

Après la visite et le passage par la boutique un moment de pause et de discussion a permis de mieux comprendre la gestion originale du parc, sous forme d’une société coopérative d’intérêt collectif. Celle-ci espère attirer de dix à quinze mille visiteurs par an sur les différents sites qui constituent le parc, comprenant, en plus de Dommartin-le-Franc, des sentiers d’interprétation balisés dans la vallée de la Blaise, les minières de Poissons et, bientôt, l’usine de Vecqueville et le haut fourneau circulaire de l’usine de Bussy (actuellement démonté). Pendant cette pause, Dominique Perchet nous a également présenté l’ambitieux projet Monumen, un inventaire participatif des œuvres en fonte, projet soutenu par le Musée d’Orsay et le Laboratoire de recherche des monuments historiques. Une application innovatrice de géolocalisation aide à se diriger vers ces œuvres grâce à son téléphone portable.

Après Metallugic Park, nous avons pu visiter le second site de l’ASPM, l’usine « du bas », les anciennes fonderies du Blaisois fermées en 1992 et acquise par l’association en 1993, grâce à une souscription publique et le mécénat du Crédit agricole. Ici, l’un des cubilots, donné à l’association par le lycée Loritz, est rallumé chaque année, au mois de septembre, pour faire des coulées pédagogiques. En attendant la mise en œuvre d’un projet de conservatoire des machines, les ateliers dans leur jus et leur poussière d’origine, en partie envahis par la végétation, offraient quelques fortes sensations esthétiques aux amateurs des lieux industriels non encore mués en musée.

Notre dernière visite de l’après-midi nous emmenait au paradis, c’est-à-dire à l’entrepôt des modèles en plâtre de l’ancienne usine d’Antoine Durenne. La collection comporte quelque 700 modèles, dument inventoriés avant leur déménagement des hangars de l’entreprise de la Société générale hydraulique et mécanique et leur installation dans de nouveaux locaux à Sommevoire dits Le Colombier. La collection est gérée aujourd’hui par une association dépositaire, l’association des compagnons de Saint-Pierre qui ouvre la collection aux visiteurs pendant les week-ends de l’été. Les visites guidées font ressortir l’intérêt de l’ensemble des points de vue artistique, technique, architectural et sociologique. Mais la présentation conserve en même temps son aspect fourre-tout d’origine, celui d’une arrière-boutique, passablement surréaliste, des rencontres de l’art et de l’industrie au XIXe siècle.

Dimanche nous avons quitté Saint-Dizier par une autre vallée métallurgique, celle de la Marne, l’itinéraire faisant halte d’abord à Marnaval où se trouve la seule église en France entièrement construite en briques de laitier, et ensuite au petit cimetière de Vecqueville où le tombeau de l’industriel Edmond Capitain comporte une série de bas-reliefs signés du sculpteur Paul Roussel, dont une remarquable vue d’une halle de moulage. D’après le programme, notre passage à Osne-le-Val devait nous faire passer ensuite par la fonderie du Val d’Osne, mais sans la visiter. Sur place, toutefois, derrière le lion en fonte, les grilles du site se trouvaient entrouvertes, permettant une promenade non-programmée à travers un immense champ de ruines d’où émerge encore le haut fourneau de 1836, sauvé par la solidité de sa construction bien plus que par son inscription, en 1993, sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. La cité ouvrière Barbezat, protégée en même temps, est à l’abandon et partiellement démolie.

Les minières de Poissons, notre halte suivante, fait partie des sites aménagés dans le cadre de Metallurgic Park, une passerelle-belvédère métallique surplombant un étonnant paléokarst où les cavités furent comblées au fil du temps par un matériel riche en fer. L’extraction de ce minerai par des paysans-mineurs est attestée dès le XVIIe siècle.

Notre dernière destination du dimanche nous conduisait à Montiers-sur-Saulx, dans la Meuse. Pendant que nous déjeunions dans la halle de moulage, des membres de l’association Bradfer nous expliquaient l’histoire de ce site exceptionnel, où se juxtaposent abbaye, habitat et usine, et les projets en cours pour son interprétation et valorisation. Le « clou » de cette visite était sans conteste celle du magasin à modèles de fontes d’ornement, magasin construit à cet effet et conservé dans son état avec un véritable trésor d’objets profanes ou religieux rangés pêle-mêle sur trois niveaux. Espérons que nos photos puissent donner une idée des visions étonnantes qu’offre ce spectacle.

Magistralement coordonné par Dominique Perchet, le week-end, on le voit, était très riche en découvertes et en émotions patrimoniales et esthétiques. Que tous ceux qui ont contribué à son succès trouvent ici l’expression de notre gratitude : Franck Tourtebatte à Dommartin-le-Franc, Bruno Driat, président de l’association des Compagnons de Saint-Pierre à Sommevoire, François Godinot et Pascal Tilly de l’association Bradfer à Ecurey, et Pascale Bonnet, chargée de mission auprès de la communauté des communes de la Haute-Saulx, et enfin, last but not least, Lionel Girardin, proviseur du lycée Saint-Exupéry à Saint-Dizier qui a permis à plusieurs d’entre nous d’être hébergés dans son établissement et nous a même offert le petit-déjeuner.

Une dernier remarque qui s’adresse, sous forme de question, au trésorier du Cilac: étant donnée l’actuelle fragilisation des finances de l’association, était-ce vraiment nécessaire de nous faire accueillir à Saint-Dizier par la Patrouille de France, et le spectacle de feux d’artifice le soir, n’était-il pas de trop ?

Paul Smith Décembre 2011

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