Décès de Markus Raetz, le sculpteur des lapins en fonte…

Le Journal le Temps de Genève nous a annoncé la nouvelle : décès le 14 avril de Markus Raetz (nous avions consacré un article sur ce sculpteur dans notre revue Fontes 115). Spécialiste de l’anamorphose, il a utilisé la fonte pour produire de l’art contemporain à la fois jouissif et créatif.

Source : https://www.letemps.ch/culture/mort-markus-raetz-lartiste-metamorphoses

“Figure majeure de l’avant-garde suisse, le Bernois est décédé mardi 14 avril des suites d’une longue maladie

Emmanuel Grandjean

Son état de santé suscitait l’inquiétude depuis plusieurs mois. L’artiste bernois Markus Raetz est décédé mardi 14 avril à l’âge de 78 ans des suites d’une longue maladie. Né à Büren an der Aare en 1941, c’est à Amsterdam qu’il va développer son langage artistique à partir de la fin des années 60. Plasticien polymorphe, il maîtrise tous les supports avec une prédilection pour la sculpture, la gravure et le dessin qu’il réalise par dizaines de milliers. Ses recherches se concentrent sur les changements formels du passage de la deuxième à la troisième dimension. Une quatrième lui apparaît comme une évidence, celle de la transformation et de l’instabilité des images qui naissent avec le mouvement.

Oui et non

A Genève, son œuvre est sans doute plus connue que son auteur. Juché au sommet de long perchoir planté dans la place du Rhône, des mots changent d’aspect. Lorsque le passant tourne autour la tête en l’air, le «OUI» devient un «NON» et, à l’inverse, le «NON» se transforme en «OUI». L’anamorphose, cette faculté visuelle qui change l’état d’un objet en le faisant passer de l’abstrait au concret en lui faisant parfois dire aussi quelque chose et son contraire, Markus Raetz l’avait érigée en principe artistique. Même si lui préférait le mot de «métamorphose» pour qualifier son œuvre. «Une forme tridimensionnelle, on peut la concevoir comme un réservoir de formes bidimensionnelles, expliquait l’artiste à Rainer Michael Mason dans une interview au magazine Artpassions en 2011, à l’occasion de sa grande exposition organisée au Musée d’art moderne et contemporain de Genève (Mamco). Quand une forme tridimensionnelle pivote ou quand on tourne autour d’elle, on peut voir par exemple des silhouettes en nombre infini, sauf si c’est une sphère. Et s’y ajoute la dimension du temps, que ces réservoirs justement nous ouvrent.»

Humour et poésie

L’une de ces sculptures emblématiques représente ainsi un petit lapin en fonte qui se contemple dans un miroir. Sauf que son reflet montre la silhouette d’un type à chapeau. Un hommage à Joseph Beuys, l’artiste allemand pour qui tout le monde pouvait se prétendre artiste, et qui racontait des tableaux à un lièvre mort dans une performance de 1965 restée célèbre.

Manière de dire que le Bernois avait émergé à une époque où l’art cherchait moins à représenter le réel qu’à en exprimer l’idée. Harald Szeemann, qui œuvre alors à la Kunshtalle de Berne à la reconnaissance internationale de l’art minimal et de l’art conceptuel, repère ce travail atypique à la marge entre le figuratif et l’abstraction. Il embarque l’artiste à la Documenta 5 qu’il dirige, celle de 1972. L’exposition sera culte, comme on le dit d’un film.

Connu et reconnu, Markus Raetz part ensuite à Venise, où il représente la Suisse à la Biennale de 1988. La Bibliothèque nationale de Paris et le Kunstmuseum de Bâle consacreront dans les années 2000 une carrière qui sera à l’image de son auteur: discrète, modeste mais très efficace. Figure majeure de l’avant-garde suisse, le Bernois appartient au cercle de ces artistes – avec notamment Fischli & Weiss – qui instillaient de la poésie et de l’humour avec une radicale économie de moyens: avec une simple tige de métal délicatement courbée, il était capable de représenter tous les visages du monde.

 

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