De l’acier sans charbon ? La Suède s’attaque au problème de l’acier vert…

Revue de presse : le Monde

lire l’article ici : https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/02/21/la-suede-vers-une-reindustrialisation-verte_6114554_3234.html

Extraits ;  

Acier zéro carbone

Pour les géants industriels, il n’y a pas de temps à perdre : le pays de 10 millions d’habitants s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2045. Or son industrie, qui représente près de 20 % de son produit intérieur brut, est aujourd’hui responsable d’un tiers de ses émissions de CO2. Parmi tous les projets, la transformation de la compagnie minière LKAB, qui fournit 90 % du minerai de fer produit en Europe, et celle de l’aciériste SSAB s’annoncent déjà comme les plus ambitieux.

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D’ici à 2045, le groupe LKAB, contrôlé à 100 % par l’Etat suédois, compte décarboner toutes ses opérations et produire du fer sans aucune énergie fossile, pour la fabrication d’acier zéro carbone. Coût de l’opération : 400 milliards de couronnes (38 milliards d’euros) sur vingt-cinq ans, soit un des plus gros investissements industriels jamais réalisés en Suède. Selon son patron, Jan Moström, il devrait permettre à LKAB de doubler son chiffre d’affaires d’ici à 2045 et de poursuivre sa production jusqu’en 2060 au moins.

Par ailleurs, la compagnie minière s’est associée à l’électricien Vattenfall et l’aciériste SSAB pour produire de l’acier décarboné, dans le cadre d’une initiative baptisée Hybrit. En plus d’une usine pilote, à Lulea, dans le nord-est de la Suède, où sera testée, pendant quatre ans, la réduction directe du minerai de fer en utilisant du gaz naturel puis de l’hydrogène fourni par Vattenfall, les trois géants ont investi près d’un milliard d’euros dans la construction d’une usine de démonstration, dans la commune de Gällivare, à 250 kilomètres au nord.


La production d’acier décarboné devrait permettre de réduire les émissions des sidérurgistes de 35 millions de tonnes de CO2, soit deux tiers de l’empreinte climatique du royaume scandinave

Pour le moment, LKAB fournit à ses clients des boulettes contenant entre 67 % et 68 % de fer. Pour produire de l’acier, ceux-ci font fondre le minerai avec du coke (charbon brûlé) dans des hauts-fourneaux extrêmement polluants. C’est cette étape que LKAB veut supprimer, « en avançant d’un pas dans la chaîne de valeur », explique M. Petäjäniemi


De son côté, l’aciériste SSAB, qui avait décidé de remplacer ses hauts-fourneaux par des fours électriques à l’horizon 2045, a fait savoir le 28 janvier que la conversion allait finalement avoir lieu avec quinze ans d’avance sur le calendrier. L’investissement, sur quatre sites différents, devrait dépasser 4 milliards d’euros et permettra « à la Suède de réduire de 10 % ses émissions totales de CO2 et à la Finlande d’environ 7 % », a rappelé le PDG de SSAB, Martin Lindqvist.

L’aciériste va devoir compter avec un nouveau venu sur le marché : lancée en 2020, la start-up H2 Green Steel prévoit de produire 5 millions de tonnes d’acier décarboné d’ici à 2030, à Boden, dans le nord-est de la Suède. Parmi ses fondateurs, la société d’investissement Vargas Holding est aussi l’un des plus gros actionnaires de Norhtvolt. Son PDG préside d’ailleurs les conseils d’administration des deux compagnies.

« Implication de l’Etat très en amont »

Pourquoi la Suède ? Le ministre de l’industrie, Karl-Petter Thorwaldsson, voit trois raisons : « Nous avons des matières premières, une électricité verte abondante et pas chère, surtout au nord, et un climat innovant dans l’industrie. » Les contraintes imposées aux entreprises, notamment la taxe carbone, ont aussi joué un rôle, selon lui : « Les compagnies ont dû agir pour limiter leurs émissions et elles ont pris de l’avance. »

Directeur de l’agence Fossilfritt Sverige, chargée d’accompagner la transition écologique et énergétique de la Suède, Svante Axelsson mentionne également le rôle des syndicats, « très orientés sur le développement technologique et qui n’ont pas peur des changements, si cela améliore la compétitivité de l’industrie ».

Estampe v 1840, Mines de fer de DANNEMORA, Uppland, Suède, extraction minerai

Côtés financements, l’Etat a mis en place plusieurs programmes de subventions destinés à la recherche et au développement, ainsi que des prêts garantis. Entre 2021 et 2022, l’Agence suédoise de l’énergie s’est ainsi vu allouer l’équivalent de 150 millions d’euros pour financer des initiatives dans le cadre de la transition de l’industrie. « L’implication de l’Etat, très en amont, même si elle est limitée, a permis de donner une crédibilité aux projets », précise M. Axelsson.

Mais cette révolution verte n’est pas sans présenter d’importants défis pour l’économie suédoise. En matière de recrutement, d’abord. Un coordinateur national a été nommé pour soutenir les municipalités à faire face à la ruée vers le Grand Nord. Le gouvernement a également mis en place un dispositif de reconversion qui permet aux Suédois de suivre une formation pendant un an en recevant 80 % de leur ancien salaire. Les entreprises regardent aussi à l’étranger pour embaucher des spécialistes.

Autre défi : l’accès à l’électricité. A elle seule, la transformation des mines de LKAB va demander 55 térawattheures, soit un tiers de la consommation actuelle en Suède. Il va donc falloir augmenter drastiquement les capacités de production. Avant les élections législatives de septembre, la droite fait campagne pour la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, tandis que la gauche met en avant le rôle de l’éolien.

Enfin, cette réindustrialisation exacerbe la question de l’usage du territoire. Dans le nord de la Suède, les Samis protestent contre le projet d’une compagnie britannique qui veut ouvrir une nouvelle mine de fer à Kallak, près de Jokkmokk, sur les terres utilisées par leurs rennes. Le gouvernement va devoir se prononcer dans les prochaines semaines. Le ministre de l’industrie a déjà fait savoir qu’il voulait voir « plus de mines » en Suède.

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