Aux origines de la fonte d’ornement : les lions de la fontaine du quai Conti…
Cherchant les premières mentions de la fonte de fer comme matériau de fonte d’ornement, nous avons retrouvé cette fontaine sise devant l’Institut, quai Conti à Paris.
Modifiant le parvis de la Chapelle Mazarine qui accueille l’Académie française, l’architecte Vaudoyer reprend le dessin des lions qui ornent la fontaine Aqua Felice à Rome (connue également sous le nom de Fontaine de Moïse). A partir de ce modèle, la fonderie du Creusot en 1809 produit quatre lions en fonte de fer. L’entreprise, explique J-F Belhoste, y parvient alors que deux autres fonderies ont échoué : sa réussite tient au fait qu’elle a compris que la fonte de fer ne se coulait pas comme le bronze et qu’il fallait modifier le cahier des charges : une épaisseur plus grande et surtout volontairement inégale.
Cette fontaine est supprimée sous le second Empire, mais les lions sont restés en place un certain temps.
Ces lions ne satisfont guère les auteurs qui, au détour de guides ou d’ouvrages, les trouvent “affreux”.
A noter que ces lions n’ont rien à voir avec les lions de Nubie qui, fondus en fonte en 1811, pour la fontaine de la place du Château-d’Eau (place de la République, depuis). De la même fonderie du Creusot (d’avant les Schneider), ils ont été déplacés en 1867 devant la halle de la Villette.
Les quatre lions sont retrouvés : par un détour encore non précisé, ils sont visibles à Boulogne-Billancourt, square Henri-Farmann : on peut lire sur la face avant du piédestal : le Creusot 1810. Ils sont donc la fonte animalière la plus ancienne que nous connaissons du moins en France. Une fiche descriptive est visible dans la base de données e-monumen.net
http://e-monumen.net/patrimoine-monumental/lions-de-la-fontaine-du-quai-conti-boulogne-billancourt/
En haut, les lions à Rome
En bas, clichés de la base Mérimée montrant le parvis avec les lions (sans la fontaine)
1826 :
“Deux fontaines absolument semblables coupent des deux côtés les degrés qui conduisent au péristyle du palais des Beaux-Arts. Ce n’est qu’un accessoire dans la décoration de la façade. Chacune se compose de deux lions égyptiens, sur le modèle de ceux qu’on voit à la fontaine de Moïse, place des Thermes à Rome. Ces lions, en regard, versent de l’eau dans une vasque en quart de cercle. Ils ont deux mètres de long et sont de fonte de fer. Ils ont été coulés à la fonderie du Creuzot [sic], près Autun, et ont été exécutés en 1809 sur les dessins de M. Vaudoyer, architecte. Ces fontaines sont alimentées par la pompe à feu du Gros-Caillou.” (1)
1901
“De 1802 à 1806, furent construits le pont des Arts et une fontaine aux côtés de la chapelle. Le pont des Arts, le premier de Paris qui ait été supporté par des arches de fer, fut bâti, sur les dessins de Dillon, aux frais d’une compagnie qui perçut jusqu’en 1848 un droit de passage. (…) La fontaine située devant le portail de la chapelle a été supprimée sous le second empire. On s’est borné, d’ailleurs, à remplacer les vasques de pierre par des marches qui se relient à celles du perron. On a conservé les quatre affreux lions de fer fondu qui alimentaient ces vasques.” (2)
1884 : Jules Gaudry, en fin de l’éloge funèbre de C-E Calla, dit : “Ces lions qui restant une curiosité de l’histoire industrielle ne sont plus dans leur état primitif : ils jetaient de l’eau par la gueule en un bassin et donnaient dans les gelées d’hiver des stalactites de place d’un effet pittoresque. Ils étaient peints en vert clair. On les chansonna et l’un des couplets faisait interroger et répondre ainsi les lions de l’Institut avec assez peu de respect pour le docte corps :
Tu vois mon habit vert
Je suis de l’Institut
Et je fais de l’eau claire.…….
En savoir plus :
Antoine Vaudoyer (1756-1846) fut l’élève de Marie-Joseph Peyre à l’École des beaux-Arts. Il fut lauréat du Prix de Rome en 1783. Lors de la création du Conseil des Bâtiments Civils par Jean-Baptiste Rondelet, Jean-François-Thérèse Chalgrin et Alexandre Théodore Brongniart, Vaudoyer se vit confier un des six postes d’inspecteur.
Vaudoyer travailla à l’extension du collège de France, de la Sorbonne et fut chargé du chantier de l’Institut de France lorsque celui-ci vint occuper le Collège des Quatre Nations. (source Wikipédia)
(1) Gallica : Dictionnaire historique et descriptif des monumens religieux, civils et militaires de la ville de Paris : où l’on trouve l’indication des objets d’art qu’ils renferment, avec des remarques sur les embellissemens faits ou projetés,… / par B. de Roquefort,…
Auteur : Roquefort-Flaméricourt, Jean-Baptiste-Bonaventure de (1777-1834)
Éditeur : Ferra jeune (Paris) – Date d’édition : 1826
Sujet : Paris (France) — Monuments — Descriptions et voyages — 19e siècle — Dictionnaires
Identifiant : ark:/12148/bpt6k203976p(2) Gallica : Histoire de la Bibliothèque Mazarine et du Palais de l’Institut / par Alfred Franklin,…
Franklin, Alfred (1830-1917) Éditeur : H. Welter (Paris) – 1901
Identifiant : ark:/12148/bpt6k83037p
Source des images de l’Institut :
Base Mérimée : à gauche : Donation Marcel Bovis, Ministère de la culture (Médiathèque de l’architecture et du patrimoine) – 1945
A droite : Guérinet, A. Archives Photographiques (Médiathèque du Patrimoine) © CMN – date non précisée