Dommartin-le-Franc : le haut-fourneau – visite

Présentation du haut-fourneau et de son environnement

Le chaînon manquant entre l’Encyclopédie et la sidérurgie moderne…

(texte établi par Elisabeth Robert-Dehault en 2005 avant l’achèvement des travaux)

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vue aérienne du site

1835 – 1885 : 50 ans séparent la première mise à feu et la dernière coulée du haut-fourneau de l’usine du haut. Dans le contexte industriel local où la longévité des forges défie les siècles, la brève histoire du second fourneau de Jean-Baptiste Le Bachellé aurait pu s’effacer derrière celle d’autres entreprises plus favorisées par le destin.Si en 1885, le haut-fourneau peut paraître obsolète par rapport aux nouveaux fourneaux circulaires qui produisent des tonnages plus importants, il n’en reste pas moins en bon état, prêt à reprendre du service au gré d’une conjoncture redéfinie par l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine, où les besoins en fer croissent.

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Etat 1990 : l’ASPM a commencé à nettoyer les lieux.

Exploité puis entretenu par six générations de la même famille, le site restera associé à la production de l’usine du bas.
Malgré la disparition des appareils de production, de la cheminée et de la configuration de la toiture au-dessus du gueulard, le haut-fourneau est presque intact lorsque Charles-Étienne et François de Magnienville obtiennent son inscription à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1986.
En 1990, sous l’impulsion de l’ASPM et avec l’aide du Conseil général, il est racheté par la commune qui confie à l’association son animation et la maîtrise d’ouvrage déléguée des travaux, en particulier le clos et le couvert de la halle de coulée.

La mise au jour de certains aménagements et l’inventaire dressé en 1848 sont à l’origine d’un patient travail de recherche, auquel s’est associé Gérard Dalstein, historien des techniques sidérurgiques.

Trois évidences se sont dégagées:
– il n’existe plus en France d’unité de production de cette époque aussi bien conservée. Le haut-fourneau est donc un témoin majeur de la sidérurgie du XIXe siècle;
– sa configuration en 1848 le place à la charnière des techniques du siècle des Lumières et de celles qui se sont développées à partir du dernier tiers du XIXe siècle;
– la reconstitution de l’ouvrage et des machineries peut aboutir à une remise à feu, à titre expérimental, constituant ainsi un événement majeur dans l’histoire industrielle française.

« Ce haut-fourneau peut remarcher » fut la conclusion d’une visite de Gérard Dalstein en mars 2005 et le point de départ d’un projet de réhabilitation du haut-fourneau et de reconstruction de ses machineries. Un projet sans doute fou, mais un projet accessible, auquel s’attelle une équipe très motivée.
Sans la connaissance encyclopédique de Gérard Dalstein, sans son travail de recherche, validé par des hauts-fournistes chevronnés et consigné dans un document de plus de 200 pages illustré de plans et de maquettes, sans son immense générosité, sa disponibilité, la passion et la foi qu’il a su communiquer à l’ASPM, mais aussi sans l’implication des membres de l’association, cette aventure technique et historique n’aurait jamais vu le jour. C’est, pour l’histoire de la sidérurgie, un événement unique et emblématique.Sur une surface d’environ un hectare, l’usine du haut était composée de la maison du régisseur et de plusieurs bâtiments: halles de coulée et de chargement, halle à charbon, tournerie-maréchalerie, halliers et moulin. Le site était complété par un parc à minerai, un bocard et un patouillet, des bassins d’épuration pour les eaux du bocard et un four à coke.

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Le haut-fourneau et la halle de coulée

Abrité dans une halle de coulée de 610 m2, construite en pierre ordinaire et couverte de tuiles creuses sur le modèle des grands bâtiments agricoles, le haut-fourneau se dresse en face de la grande porte d’entrée. Haut de 5,85 mètres et large à sa base de 7,80 mètres, il est surmonté par le gueulard, tour par où les matières premières sont enfournées. La configuration de l’appareillage intérieur: cuve, ventre étalages et creuset, a été préservée.
Le site est complété par un canal intérieur, un chantier de coulée, des caves, un grenier à mouler et la halle de chargement. La soufflerie et la roue à aubes ont disparu.
Lorsqu’en 1828, Jean-Baptiste Le Bachellé sollicite l’autorisation d’édifier un haut-fourneau à marchandises, son projet est, sans aucun doute, de construire un appareil sur le modèle de l’Encyclopédie avec un système de soufflerie traditionnel.
Le décentrage du gueulard par rapport au centre de la bugne (plateforme supérieure du haut-fourneau) et celui de l’orifice de coulée, décalé de 30 centimètres, démontrent que la configuration intérieure et le gueulard ont été modifiés, sans doute à partir de 1839, date de l’utilisation de l’air chaud pour l’usine du bas.

Le creuset

Le haut-fourneau dont la façade entre les piliers ouest est oblique fonctionnait à poitrine ouverte. Dans la partie base, le creuset recueillait la fonte à l’état liquide (autour de 1500 °C). Il se prolongeait par un avant-creuset fermé par une poutre de dame.
Le creuset dont la forme est demi-tronconique sur une hauteur de 1,05 m et une largeur de 1,25 m, est monté sur une sole en pierre, légèrement inclinée vers l’avant.
L’ouvrage intérieur a été remonté en 2007 avec des briques de pisé réfractaire tassées à la main dans des moules, et disposées en quinconce. À la base, son diamètre intérieur est de 50 cm et son volume de 0,4 m3. Il s’élargit à 60 cm de hauteur, au niveau de la tympe à eau et de l’orifice de la tuyère à vents (à droite), pour rejoindre les étalages.

Le chantier de coulée

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Comblé par une épaisse couche de sable vert, le chantier de coulée a été découvert en 2004. Postérieur à 1848, il est composé par la rigole de coulée, un siphon, une rigole perpendiculaire, une fosse et deux aires de coulée disposées de part et d’autre de la rigole de coulée. Celle de gauche est prolongée vers le wilkinson.
L’ensemble, d’une surface d’environ 30 m 2, était garni de sable durci.

Lors de la coulée, un second décrassage était opéré au niveau du siphon. La fonte était guidée dans des chenaux vers la fosse dans laquelle étaient disposés des moules en sable serré dans des châssis, dans lesquels l’empreinte des pièces avait été prise et les noyaux disposés afin d’aménager les vides. La fosse a été configurée pour faire notamment des tuyaux.
En fin de coulée, la fonte était retenue dans le canal latéral où s’opérait le lingotage sous forme d’une barre comportant des étranglements à intervalles réguliers. Celle-ci était ensuite cassée aux étranglements formant ainsi des saumons qui étaient refondus dans le wilkinson. En modifiant la marche du fourneau, il était également possible de faire une barre pleine: la gueuse, destinée à être forgée.Les aires latérales étaient réservées aux coulées intermédiaires.
Lors de la mise au jour du chantier, les briques délitées par l’usure et l’humidité se sont désagrégées. Seule une partie des fondations et le premier rang de briques ont pu être conservés. Après un relevé précis de la configuration de l’aire, de la disposition des briques, celui-ci a été refait à l’identique en 2005, avec des briques artisanales.
C’est le dernier chantier de coulée du XIXe siècle existant en France.

Ventre et étalages

Au-dessus du creuset, le ventre et les étalages forment une zone en forme d’entonnoir, haute de 1,40 m et d’un volume de 2,2 m 3, dans laquelle s’opère l’alchimie de la réduction du minerai de fer en fonte, soit l’extraction au moyen d’une température élevée et, sous l’effet du carbone, du fer contenu dans l’oxyde de fer, ou encore l’élimination de l’oxygène des oxydes de fer par l’oxyde de carbone du charbon de bois. Dans le même temps, des lamelles microscopiques de carbone pénètrent par inclusions dans le fer, transformant celui-ci en fonte (1 à 4 % de carbone). La formule chimique de la réduction dans un haut-fourneau est Fe2 O3 + CO = 2FeO = CO2.
Au niveau des étalages, la fonte est à l’état pâteux et sera liquéfiée dans la zone d’influence de la tuyère.
Le diamètre du ventre, partie la plus large, est de 2,25 m qui se réduira à 2,10 m après le reprofilage de la zone avec du pisé réfractaire.

Selon l’Encyclopédie, la coulée de la gueuse se faisait directement dans le sol devant le creuset; on perçoit la différence avec l’équipement de Dommartin un siècle plus tard.

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L’Encyclopédie de Diderot d’Alembert montre en coupe le haut-fourneau avec la configuration de la cuve, du ventre et des étalages ainsi que de la soufflerie.

 La cuve

Haute de 4,70 m, la cuve repose sur la maçonnerie intérieure du fourneau, et non sur le ventre qui serait écrasé sous le poids de ce cône garni de petites pierres rectangulaires de 7 cm sur 5, posées les unes sur les autres, sans joints, et garnies de réfractaire torché. Son volume est de 8,5 m 3. Des couches alternées de charbon de bois, minerai de fer et fondants (castine: pierre calcaire permettant d’agglomérer les impuretés et de réguler la marche du fourneau: viscosité du laitier, point de fusion, et/ou herbue: silicate d’argile utilisé avec certains types de minerais) y sont enfournées jour et nuit par deux équipes de quatre chargeurs pendant toute la durée de la campagne du haut-fourneau, de 5 à 9 mois selon les niveaux d’eau permettant d’actionner les roues hydrauliques.
Pour obtenir une tonne de fonte, les charges étaient les suivantes: 2,5 tonnes de minerai concassé et lavé, 1,2 à 1,5 tonne de charbon de bois et environ 150 kg de castine.
La cuve et les étalages ont été vidés en 1994 et nettoyés en 2007.

Le gueulard est l’orifice supérieur par où les charges sont envoyées dans la cuve. Montées par charrois, les charges étaient déposées en vrac sur l’aire pavée de la halle de chargement, puis préparées dans des resses (paniers de coudrier contenant 25 kg) avant d’être enfournées par deux équipes de quatre chargeurs.
En 1848, l’inventaire signale que la bugne (en fait le gueulard), en pierres et briques, est partiellement démolie. On y accédait par un escalier de pierre de quinze marches (restauré en 2000). Le gueulard était surmonté par une cheminée dont les angles étaient en pierres de taille de Chevillon et le surplus en briques. Elle était construite sur quatre marâtres (barres) en fonte dont deux reposaient sur des colonnes rondes en fonte. Une soufflerie à air chaud existait à l’avant de la bugne.
Après cette date, le gueulard a été surélevé afin de s’adapter à une nouvelle soufflerie à air chaud. La configuration actuelle montre une tour de 2,70 m, en briques, comportant deux sections de diamètres différents. L’accès se fait par un escalier en bois dont des éléments subsistent et débouche sur une plateforme en bois toujours en service.
L’inventaire de 1913 signale l’existence d’un clocheton au-dessus du gueulard. Celui-ci a été supprimé lors de la réfection de la toiture au début du XXe siècle.    À partir du système « cup and cone » utilisé dans la seconde moitié du XIXe siècle, le chantier de réhabilitation permettra de refaire un gueulard fermé, à trémie, dont la cloche sera levée au moment des charges par un contrepoids, et comportant un collecteur de gaz pour le chauffage de l’appareil à air chaud.

L’appareil à air chaud

était un four en briques, ancré sur la bugne, au-dessus du pilier droit du haut-fourneau et surmonté d’une cheminée en briques. Ce four était traversé par huit tuyaux réunis à leurs extrémités par six coudes en fonte, dont deux étaient enterrés dans un massif en maçonnerie pour éviter le refroidissement. Il était relié à la base du gueulard par un tuyau partant de la prise de gaz. L’air froid parvenait au four, dans sa partie supérieure, par une conduite dissociée. L’air chauffé à 200° redescendait vers la soufflerie par un autre tuyau en fonte, partiellement enterré dans la bugne, dont un coude est toujours visible du côté de la soufflerie.
S’il ne reste que la prise de gaz et le retour d’air chaud, l’appareil est parfaitement identifiable. C’est un four de type Neilson ou Calder, du nom des inventeurs qui en déposèrent les brevets en 1828.

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Doulevant-le-Château (52): l’appareil à air chaud visible au moment de la démolition du haut-fourneau

Retour de vent chaud :   La restauration prévue permettra une reconstitution qui ne pourra cependant pas être utilisée pour la mise à feu du haut-fourneau compte tenu de la complexité du système de fonctionnement et de l’extrême danger au niveau de l’utilisation du gaz.

Wilkinson et four à coke

En 1837, pour accroître sa production et utiliser les bocages (rebuts) et les excédents de fonte lingotés, Jean-Baptiste Le Bachellé investit dans un Wilkinson, destiné à produire des fontes de moulage. Selon Jacques Corbion, il s’agissait d’un four ayant « une enveloppe extérieure de section octogonale, chacun des côtés étant constitué par une plaque de fonte. La section intérieure est un cercle. Le garnissage réfractaire est du sable damé entre un cylindre de bois et l’enveloppe extérieure. Le fourneau possède six tuyères qui peuvent être fermées par une plaque de fonte. »
Par l’orifice supérieur, le gueulard, on y enfournait des couches alternées de coke, de ferraille et de castine. Après le débouchage du trou de coulée, la fonte était recueillie dans une poche, portée au-dessus de l’aire de coulée par la première des trois grues en bois à manivelles que comportait le site.

S’il ne reste rien du wilkinson, son emplacement est matérialisé par quelques témoins: des poutres en chêne enterrées servant d’assise, des traces de feu et de réfractaire sur la première ferme du bâtiment, une ouverture dans la partie haute de la façade sud correspondant probablement à l’alimentation du gueulard et, au-dessous, une fenêtre occultée par de la brique, vestige du four destiné à recevoir un appareil à air chaud pour chauffer le vent de l’appareil.

Pour alimenter le wilkinson, Jean-Baptiste Le Bachellé fait construire un four à coke, de type four à ruches, destiné à carboniser de la houille. Construit en matériaux réfractaires, il était identique à huit fours de boulanger regroupés en octogone (d’où l’expression four à ruches). Jacques Corbion décrit ainsi l’opération: « Dans le four préalablement chauffé au charbon, on charge de la houille concassée très finement. La chaleur de la voûte permet aux gaz dégagés de s’enflammer au contact de l’air, ce qui maintient la température. Lorsqu’il n’y a plus de dégagement de fumées, l’opération est terminée et l’on peut, soit retirer le coke et l’étendre, soit fermer les ouvertures et laisser l’ensemble se refroidir. La carbonisation dure 24 heures… Le coke obtenu dans ces fours était plus homogène. »

Les fondations du four n’ont pas été retrouvées. Leur recherche est compliquée par la modification de la pente du chemin rampant. En 1848, le four n’est plus mentionné.

Sablerie, caves, grenier à mouler et grues

À gauche du haut-fourneau, la sablerie était une aire de travail pour les mouleurs qui préparaient leurs moules dans des châssis portés sur le chantier de coulée par deux grues en bois qui desservaient la totalité de l’espace. Une quatrième sera ajoutée après 1848.
Les caves situées sous la halle de chargement formaient un magasin pour l’entrepôt du matériel et des matières. Un escalier permettait d’accéder au grenier à mouler, plateforme en planche élevée entre le niveau du haut-fourneau et celui de la halle de chargement. Sur ce grenier étaient entreposés les modèles des tuyaux coulés sur le site. L’inventaire de 1848 en cite trois de 4,80 m, 4,15 m et 3, 40 m.
Le grenier à mouler ainsi qu’un escalier meunier ont été refaits en 1996.

L’aire de moulage, les caves et passages sont utilisés actuellement comme lieux d’exposition

La grue en place près du haut-fourneau n’est pas d’origine: elle provient du site du Châtelier, plus en aval sur la Blaise

Le canal et le moulin

IMG_1079Creusé au Moyen Âge, le canal fut utilisé pour le moulin à blé, la pêche et le bétail qui s’y abreuvait. Il traverse six villages. L’eau y est retenue dans des biefs par des empellements.
Le premier usage industriel connu figure dans un document daté de 1415 à l’occasion du conflit opposant Ferry de Lorraine et les habitants de Dommartin.

Au fil des siècles, le canal fera l’objet de multiples litiges et procès.  En 1846, à l’occasion d’un de ces litiges, Le Bachellé fera dresser un plan (voir page 14) montrant le tracé du tronçon lui appartenant, bordé de routoirs (trous creusés au bord du canal pour désagréger des plantes – lin ou chanvre – afin d’en récupérer les fibres).
L’origine du moulin se confond avec celle du canal. Il en est maintes fois fait état lors des transmissions ou des conflits et fera partie intégrante d’un bien transmis à la famille de Guise, puis aux seigneurs de Joinville, aux Cousin de Châtillon, aux Le Bachellé et à leurs descendants.
En 1848, il était équipé d’une roue, large de 2,20 m et d’un diamètre de 3 m 95, elle est assemblée sur les courbes d’une ancienne roue composée de trois anneaux en chêne. Elle actionnait deux meules et deux moulins, l’un pour une bluterie qui tamisait des farines, l’autre pour la mouture de graines d’avoine.
La roue sera démontée pour laisser place, après 1913, à une turbine qui produira de l’électricité pour l’usine du bas.

Bocard, patouillet, bassins d’épuration et parc à minerai

Dans l’ordonnance de 1773, autorisant François Arnould Cousin de Châtillon à reconstruire un haut-fourneau, il est fait état d’un « bocard et lavoir à mines (voir page 11) dépendant de sa terre de Dommartin » dissocié de l’ancienne forge. Son emplacement au moulin est précisé en 1820. En 1836, un plan réalisé par Lafond matérialise l’ancien bocard, toujours en fonctionnement, sur la tête d’eau du moulin.
Après avoir sollicité l’autorisation d’utiliser les anciennes installations de lavage du minerai, celui-ci fit une demande pour construire un nouveau bocard à dix pilons et un patouillet. L’autorisation sera accordée en 1837, conditionnée par l’aménagement de quatre bassins d’épuration des eaux, d’une longueur totale de 400 mètres sur 10 de large.
Le plan de Lafond montre un site délimité à l’ouest par un canal de décharge, doublé par un canal de dérivation. Au-delà, trois bassins de décantation sont reliés aux installations de lavage et au canal principal par des amenées d’eau.

La réalisation sera simplifiée. Deux prises d’eau (déversoirs) sur le canal, l’une permettant d’actionner la roue et d’alimenter les installations. L’autre, située en amont, fait circuler l’eau pendant les périodes de chômage ou d’entretien dans le canal de décharge dont le tracé à été modifié. Une troisième dérivation conduit souterrainement les eaux du bocard vers les bassins de décantation pour le filtrage des eaux boueuses. Les eaux se rassemblent en aval du fourneau pour se rejeter dans le canal principal.
En 1848, le bocard et le patouillet, implantés sur la rive gauche du bief étaient actionnés par deux arbres reliés à une seule roue à aubes à 2 anneaux, en bois avec des embrasures en fonte.
Le bocard était composé de sept pilons (et non dix comme prévu) en bois de hêtre garnis de patins en fonte et d’une semelle en fonte. Le minerai brut était précipité dans un glissoir et poussé sous les pilons.
Une fois concassé, il descendait sur un second glissoir et tombait dans le patouillet, dont la cuve était en fonte. L’arbre était garni de cinq volants avec patins sur lesquels étaient fixés des barreaux en fer qui brassaient le minerai.Sous le patouillet, un bassin en fonte était garni d’une roue munie de bras en fer auxquels s’adaptaient des dragues qui puisaient le minerai lavé et le déposaient sur un plan incliné d’où il tombait dans une brouette destinée à son enlèvement.
Les minerais bruts et lavés étaient stockés sur le parc à mines avant d’être monté, dans des tombereaux tirés par des chevaux, jusqu’à la halle de chargement.
Le tracé du canal de décharge sera modifié après 1848, sans doute à l’occasion de l’agrandissement de la halle à charbon et de la modification du chemin rampant.
Le parc à minerai, transformé en étang au XXe siècle, a aujourd’hui repris son aspect originel. L’emplacement de la roue est matérialisé par un courant en pierre de taille. L’une des prises d’eau alimente le canal de décharge. Si l’emplacement de l’autre est signalé par une grille en fonte, il ne reste rien du bocard et du patouillet. En 1848, la tournerie-maréchalerie était séparée de la halle à charbon par une cloison en torchis. On y accédait par une petite porte qui existe toujours. L’atelier abritait une fournaise en fonte, posée sur un massif de maçonnerie, et d’une petite cheminée. Le soufflet en cuir et bois de sapin, placé au-dessus de la porte d’entrée, fonctionnait avec une pédale. Un bâche (bac de trempe de 0,63 m x 0,30 m) permettait de refroidir les pièces après forgeage. Il existait aussi un fléau de balance suspendu à un poteau.
Au fond à gauche, une roue à aubes en fonte de 4 mètres de diamètre sur 1,20 m de large, était alimentée par une conduite forcée qui prenait son eau sous la vanne du canal. Par un système de transmission aérienne, elle actionnait un banc de 7,8 m de long supportant deux tours et une meule en grès à émoudre. Une presse hydraulique fonctionnait avec l’eau de la prise forcée, captée par une conduite en plomb. Cet atelier était très probablement utilisé pour la finition des tuyaux et autres pièces coulées au haut-fourneau.
Avant 1885, l’atelier sera transformé en émaillerie. Celle-ci fonctionnera avec une roue en fonte de deux CV. On y fabriquait les émaux qui étaient saupoudrés sur les cuisinières chauffées dans un four en briques construit à l’extérieur, contre le mur sud. L’opération était répétée à plusieurs reprises pour obtenir un bel émaillage. (voir Fontes n° 50-51: Des métiers et des hommes, juillet 2003).
En 1890, l’inventaire mentionne uniquement le banc de tour en fonte.Les halliers, déjà en mauvais état en 1848, servaient de magasin pour les fournitures de la tournerie. Ils ont été reconstruits en 1999 pour créer des sanitaires.
Dans la première moitié du XXe siècle, la toiture de la halle à charbon sera refaite en supprimant les lucarnes. De même, les ouvertures de l’étage seront supprimées. Les trois grandes ouvertures du bas ont été maintenues et des fenêtres rectangulaires ont été ajoutées. L’ASPM, après avoir dégagé les boxes intérieurs servant de débarras, a procédé à la réfection du mur nord, des fenêtres avec bâtis en fonte, des portes et de la cloison de la tournerie-maréchalerie. Après la pose d’un réseau électrique, elle y présente des expositions thématiques renouvelées chaque année.
Dans la tournerie-maréchalerie, l’ASPM y a installé une forge, avec soufflet à pédale et un ensemble d’outils et de machines anciennes reliées à un arbre de transmission aérienne. Pratiquement toutes ces machines ont fait l’objet de dons, en particulier de membres de l’ASPM et des familles Enius et Decroix. Maurice Bernard a donné l’intégralité de sa forge, héritée de son père et de son grand-père, dans laquelle il a travaillé jusqu’à sa retraite.
Un chemin rampant permet d’accéder à la halle de chargement par l’extérieur. Son tracé sera modifié après 1848, pour faciliter la montée des charges.

 

Retrouvez ces informations (et plus d’illustrations) dans le numéro 64-65 de la revue Fontes et découvrez ce lieu unique lors de nos visites à Metallurgic Park, libres ou commentées…

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